A ce jour, plus d’1,4 million de cas de Covid-19 ont été répertoriés sur le continent africain et près de 35 000 personnes sont mortes à cause du coronavirus selon l’Africa CDC (Centre de prévention et de contrôle des maladies de l’Union Africaine). C’est peu en comparaison des autres continents. L’OMS organisait ce jeudi 24 septembre une conférence de presse pour détailler les premières pistes de recherches pour tenter d’expliquer cette situation.
Au départ, les perspectives étaient mauvaises. Les analystes envisageaient des millions de morts sur le continent qui compte une majorité de pays pauvres aux systèmes de santé faibles. Mais plus de six mois après le premier cas en Afrique, les ravages attendus ne se sont pas produits et le nombre de cas diminue dans la plupart des pays.
Après avoir comparé le code génétique de plusieurs échantillons de SARS-CoV-2 en Afrique, il apparaît que le virus est semblable à celui qui circule en Europe. Les scientifiques écartent donc la possibilité d’une souche africaine moins dangereuse. Alors comment expliquer que le continent échappe en grande partie à la pandémie ?
Les mesures de confinements strictes ont été adoptées très tôt dans la plupart des pays d’Afrique. Et cela a certainement aidé à garder le nombre de cas très bas. Comme le fait que les pays africains ont déjà l’expérience de nombreuses maladies infectieuses comme le paludisme ou Ebola, malgré des systèmes de santé défaillants. Mais il y a d’autres raisons pour expliquer la particularité africaine. Et même si les données cliniques et sociologiques sont encore parcellaires, les chercheurs estiment que la situation en Afrique s’explique par une combinaison de multiples facteurs.
Immunité croisée
Une première explication viendrait de l’âge de la population, selon le Dr Matshidiso Moeti, directrice de l’OMS en Afrique. Les scientifiques ont en effet montré que les personnes âgées étaient plus à risque de contracter le Covid-19. « Dans la plupart des pays d’Afrique, environ 3% de la population a plus de 65 ans. Il y a des pays qui ont un taux de mortalité plus élevé en Afrique. L’Algérie, par exemple, où l’on voit que près de 10% de la population a plus de 65 ans. Donc on pense que l’âge fait une différence. Et il y a d’autres facteurs : la mobilité internationale, la capacité à se déplacer à l’intérieur des pays, les réseaux routiers, le nombre de voiture par habitant. Tout cela joue sur la capacité de diffusion du virus dans les pays. »
La température ou même la manière de vivre pourraient également jouer. Matshidiso Moeti estime ainsi que le fait que les séniors vivent dans la maison familiale en Afrique et non pas réunis au sein de maisons de retraite, a pu éviter des foyers de contagion. La professeure Francisca Mutapi, infectiologue à l’Université d’Édimbourg, avance aussi d’autres pistes de recherches. « Le virus se transmet peu en extérieur. Et l’Afrique a une part importante de population rurale qui passe du temps en extérieur. Nous venons aussi de commencer une grande étude sur l’immunité croisée au Zimbabwe pour savoir si l’exposition à six autres coronavirus protège la population au SARS-CoV-2. »
Données africaines pour l’Afrique
Des études préliminaires montrent aussi par exemple que 80% des cas de Covid-19 en Afrique sont asymptomatiques, contre 40 à 50% en Europe, selon l’OMS. Et pour le professeur d’épidémiologie Mark Woolhouse, à la tête d’un programme de collecte de données dans neuf pays du continent, il est important de mieux comprendre ces particularités africaines : « L’Afrique a sa propre épidémie. J’ai beaucoup travaillé sur l’épidémie au Royaume-Uni et en Europe. Ces épidémies sont différentes. Elles n’ont pas les mêmes caractéristiques. Donc je pense qu’on va apprendre beaucoup de choses de ces données africaines destinées à l’Afrique. »
Les résultats de ces différents programmes de recherche sont attendus d’ici quelques mois. (Rfi.fr)