jeudi, novembre 21, 2024
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France-Rwanda. Félicien Kabuga sera remis à la justice internationale

La Cour de cassation a confirmé mardi le transfert à une juridiction internationale de cet homme d’affaires arrêté en France mi-mai et soupçonné d’avoir été l’un des principaux instigateurs du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Cette fois, c’est bien fini : le Rwandais Félicien Kabuga sera remis à la justice internationale et devra quitter, d’ici un mois, la prison de la Santé, où il est incarcéré depuis la mi-mai. Ainsi en a décidé mardi la Cour de cassation de Paris, chargée d’examiner l’ultime recours déposé par ses avocats pour s’opposer à son transfert et tenter de le faire juger en France. Considéré comme le «financier du génocide» contre la minorité tutsie, qui s’est déroulé au Rwanda en 1994, Félicien Kabuga avait été arrêté dans un appartement d’Asnières en banlieue parisienne le 16 mai, à l’issue d’une traque qui aura duré vingt-six ans.

Il y résidait sous un faux nom, Antoine Tounga, et il aura fallu un peu de hasard et beaucoup de persévérance aux gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité pour repérer et appréhender celui qui fut longtemps considéré comme «l’homme le plus recherché au monde», les Etats-Unis offrant même 5 millions de dollars pour sa capture.

Après son arrestation inattendue, ce riche homme d’affaires accusé d’avoir mis sa fortune au service de la machine génocidaire, a été présenté à trois reprises devant les juges français qui à chaque fois se sont prononcés pour sa remise au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MPTI), la juridiction chargée des dossiers encore en suspens du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui a fermé ses portes en 1995 sans pouvoir juger les présumés responsables du génocide encore en fuite. Comme Kabuga, qui a si longtemps réussi à déjouer tous les coups de filet déployés pour le coincer.

«Aucune contre-indication médicale à la détention»

Un éventuel procès n’en aura que plus de portée historique et le procureur du MPTI, Serge Brammertz, s’était immédiatement félicité de cette capture. Mais les avocats de l’ex-fugitif désormais octogénaire (il a officiellement 85 ans mais lui prétend en avoir 87) n’ont cessé de s’opposer à ce transfert vers La Haye, aux Pays-Bas (où se trouve le bureau du procureur), ou vers Arusha, en Tanzanie (siège du TPIR, où Kabuga sera vraisemblablement jugé).

Leurs arguments ont été balayés à chaque étape des recours initiés par la défense, aussi bien devant la cour d’appel que devant la Cour de cassation. Les magistrats n’ont ainsi retenu ni de supposées irrégularités dans la procédure, comme la prise de son ADN lors de son arrestation, ni la fragilité de son état de santé.

Sur ce dernier point, la Cour de cassation a rappelé que même si l’inculpé souffre de diverses pathologies, et est obligé de se déplacer en fauteuil roulant, «rien n’établit que l’intéressé soit soumis à l’occasion de cette demande de transfèrement à des conditions mettant en péril sa santé alors qu’il n’existe aucune contre-indication médicale à la détention ou au transfert». Un jugement qui fait écho aux commentaires de la procureur Clarisse Taron, qui le 27 mai devant la cour d’appel de Paris s’était exclamée : «La prise en charge médicale de M. Kabuga sera meilleure auprès du Mécanisme [le MPTI, ndlr] que pendant vingt-six ans de cavale !»

Rôle controversé de la France au Rwanda

Au fait pourquoi Félicien Kabuga tenait-il tant à être jugé en France ? Espérait-il plus de clémence d’une justice qui s’est pour l’instant montrée très lente à juger la vingtaine de dossiers concernant de préjugés génocidaires rwandais réfugiés dans l’Hexagone ? Il est vrai qu’en plus d’un quart de siècle, seuls deux procès ont eu lieu aboutissant à la condamnation de trois responsables du génocide au Rwanda. Certaines instructions concernent des plaintes déposées en 1995, elles sont toujours en cours. Et le rôle controversé de la France au Rwanda pendant le génocide entretient dès lors le soupçon face à la réelle bonne volonté des pouvoirs publics pour juger ces auteurs supposés de crimes contre l’humanité qui ont refait leurs vies en France sans être inquiétés.

En apprenant le verdict de la Cour de cassation, la branche française de l’association Ibuka qui défend la mémoire des victimes du génocide s’est en tout cas félicitée de «cette première victoire», en espérant «qu’elle ouvre la voie à d’autres procédures en souffrance» qui attendent toujours d’être jugées ici en France. (Libération)

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