À l’issue d’un scrutin qui s’est déroulé sous haute tension, Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire. Ce troisième mandat, fortement contesté par l’opposition qui le juge illégal, fait peser sur les prochaines semaines la menace de violences.
Le 3 novembre 2020, la Commission électorale indépendante (CEI) a déclaré Alassane Ouattara vainqueur du scrutin présidentiel, avec un score de 94,27 % et une participation de 53,90 %. Pour le président sortant, dont la candidature à un troisième mandat est considéré comme illégale par l’opposition, la saveur de la victoire pourrait avoir un goût amer. À l’issue d’une campagne électorale qui n’en fut pas vraiment une, c’est désormais la situation post-électorale qui s’annonce très tendue.
Une victoire contestée
En mars dernier pourtant, le président ivoirien avait choisi son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, pour mener son parti, le RHDP, lors de la bataille électorale, afin de laisser la place à une nouvelle génération. Mais suite au décès de son dauphin désigné en juillet, Alassane Ouattara est revenu sur cette annonce, pourtant saluée de toute part. Invoquant un « cas de force majeur », il se porte officiellement candidat le 6 août. « Ce n’est pas un mandat que j’aurais souhaité faire, je le fais par obligation citoyenne. Cela permettra de former une nouvelle équipe qui prendra la suite le plus rapidement possible », avait ainsi déclaré le président-candidat à France 24.
Pour l’opposition, sa candidature à un troisième mandat est illégale car la constitution ivoirienne limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Mais Alassane Ouattara a décidé de passer outre, considérant que l’adoption d’une nouvelle Loi fondamentale en 2016 l’autorisait à se porter à nouveau candidat.
Depuis la Belgique et Paris, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, dont les candidatures ont été rejetées, souscrivent à l’appel à la désobéissance civile et au boycott du processus électoral lancé par l’opposition réunie autour des deux candidats Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan.
Trente ans de carrière politique
Alassane Ouattara a qualifié sa décision de « véritable sacrifice » personnel. Mais ce troisième mandat controversé a provoqué des manifestations, qui se sont parfois muées en violences intercommunautaires. Au moins 30 décès sont à déplorer depuis le mois d’août.
En novembre 2010, Laurent Gbagbo et Alassane Outtara s’étaient tous deux proclamés vainqueurs de la présidentielle. Le 11 avril 2011, après une guerre civile de 5 mois, le premier est fait prisonnier par les forces du second, soutenues par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et l’armée française. Cette crise post-électorale a fait plus de 3 000 morts.
Ces trois dernières décennies, Alassane Dramane Ouattara (ADO) a marqué la vie politique de son empreinte. Né à Dimbokro, dans le centre de la Côte d’Ivoire, en 1942, il décroche son baccalauréat dans un lycée de Ouagadougou, alors capitale de la Haute-Volta. Grâce à une bourse américaine, il poursuit ses études aux États-Unis. Il y obtient un doctorat en sciences économiques à l’université de Pennsylvanie, à Philadelphie, puis il entre au Fonds monétaire international (FMI) à Washington, en 1968, avant de rejoindre la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
En novembre 1990, ce technocrate « made in Washington » devient le dernier Premier ministre du « Vieux », Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance ivoirienne. Lors des scrutins présidentiels de 1995 et 2000, sa candidature est rejetée au motif qu’il ne remplit pas les conditions de « l’ivoirité » ne pouvant prouver devant la justice ivoirienne que ses deux parents avaient bien la nationalité ivoirienne.
Bilan et incertitudes
Quand finalement, il s’installe au palais présidentiel d’Abidjan en mai 2011, ADO place les investissements dans les infrastructures et le développement économique au centre de ses priorités. Depuis 2012, le PIB du la Côte d’Ivoire a augmenté en moyenne de 7 à 8 % par an.
Depuis qu’il est entré en campagne, Alassane Ouattara met en avant son bilan, à savoir sa politique de grands travaux et ses bonnes relations avec les Occidentaux et les bailleurs de fonds.
Alassane Ouattara admet n’avoir pas tout réussi. « Je n’ai certainement pas tout réussi, mais les résultats sont là. (…) J’ai donné le meilleur de moi-même », disait-il en mars 2020. Il rappelle souvent qu’il a hérité d’un pays « en lambeaux », et se targue d’avoir « ramené la paix et la sécurité » et « remis le pays au travail »».
En décidant d’effectuer un troisième mandat, c’est à nouveau la question de la paix civile qui se pose en Côte d’Ivoire. Le refus de l’opposition de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara risque de faire entrer le pays dans une période troublée. (FRance24)