Iyaloo Akuunda fait son marché à Windhoek, la capitale de la Namibie, accompagnée de son cousin. Ils sont venus acheter de la viande grillée, une spécialité namibienne. Pour Iyaloo, il n’y a pas meilleur au monde que la viande de boeuf namibienne. « Cela va me manquer », dit-elle, alors qu’elle s’apprête à partir vivre en Allemagne. Iyaloo est une infirmière qualifiée, mais elle ne trouvait pas de travail en Namibie. En Allemagne par contre, les infirmières sont très demandées.
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La jeune femme se décide à émigrer pour améliorer ses compétences mais aussi pour gagner de l’argent grâce au métier de son choix.
Pour y arriver, elle signe d’abord avec Capital Medical, une entreprise de recrutement, qui lui finance ses cours d’allemand. Les cours sont « très stressants » et « il faut apprendre du matin au soir » explique Iyaloo. « Mais nous savons tous ce que nous voulons alors nous donnons tout ».
Un jour, lors d’un cours de langue, une équipe de l’hôpital universitaire de Düsseldorf se présente pour faire passer des entretiens. Iyaloo se rend dans une grande salle pour s’installer devant un panel de recruteurs. L’entretien se fait en allemand. « Pourquoi voulez-vous venir en Allemagne ? », demande l’un des recruteurs. « C’est une opportunité pour mon développement personnel et une chance de pouvoir travailler avec des professionnels de santé de haut niveau », répond Iyaloo.
« Ils correspondent parfaitement dans notre équipe »
Les recruteurs semblent convaincus. Torsten Rantszch est en charge du staff d’infirmières à Düsseldorf. « Après seulement cinq mois de cours d’allemand, je suis très impressionné », explique-t-il. « Si j’avais à passer un entretien en anglais après seulement cinq mois de cours… c’est juste incroyable. Ils correspondent parfaitement à notre équipe et à nos services, je suis totalement impressionné. »
Trois mois plus tard et les restrictions de transport liées à la pandémie de coronavirus levées, Iyaloo se rend à l’aéroport pour prendre un vol pour l’Allemagne.
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Quitter la Namibie
Sa famille l’accompagne. Ils sont originaires d’un petit village dont une partie est dépourvue d’électricité.
Son père travaille dans une ferme de bétail. Les au revoir à l’aéroport sont difficiles. Iyaloo pleure lorsque son père la prend dans es bras. Malgré la tristesse de la voir partir, il se dit fier de sa fille. « C’est très dur, mais que puis-je y faire ? Je ne peux rien faire. Je dois l’accepter », confie-t-il avec résignation.
Iyaloo espère rester en Allemagne pendant au moins deux ans, peut-être même plus longtemps.
Arrivée à l’aéroport de Francfort, elle est accueillie par l’équipe de recrutement. Cela fait des mois que les hôpitaux tentent de faire venir des infirmières en Allemagne à cause du manque de personnel.
« C’est très différent »
« C’est tellement beau », s’enthousiasme Iyaloo en regardant par la fenêtre du bus. « C’est tellement différent. Je n’arrive pas à y croire. Nous venons du climat aride de la Namibie. Ici nous allons apprendre à nager dans ces lacs magnifiques. »
Bien qu’elle arrive en plein été en Allemagne, elle se blottit sous une couverture. La température, dit-elle, ne lui est « pas familière ».
L’hôpital dans lequel elle va travailler a loué des appartement pour les nouvelles infirmières. Iyaloo va partager un logement avec six autres collègues.
« Il y a des magasins et des voitures partout, j’ai l’impression d’être à New York », s’amuse la jeune Namibienne au moment d’arriver à Düsseldorf, où elle s’apprête à rencontrer ses nouveaux collègues à l’hôpital.
L’examen final
Sabine Schneider est la cheffe adjointe de l’équipe dans laquelle Iyaloo va travailler. Elle et les autres infirmières vont passer quatre mois à apprendre à connaître le fonctionnement de l’hôpital et à suivre un cours de terminologies médicales en allemand.
« Son allemand est déjà incroyable », assure Sabine Schneider alors que Iyaloo prend la température d’un patient très âgé admis pour une pneumonie. Elle contrôle sa tension artérielle et lui installe une perfusion. « Elle semble tout enregistrer et appliquer les choses très rapidement. Je suis très confiante », constate Sabine Schneider.
Dans quelques mois et une fois la phase de formation terminée, la Namibienne devra passer un dernier examen. Si elle le réussit, Iyaloo sera en mesure d’exiger la même paie qu’une infirmière allemande. « Je veux faire installer de l’électricité dans notre ferme en Namibie », explique-t-elle. « Je veux aider mes cousins et mon frère, qui est à l’université. Je veux lui donner un peu d’argent de poche. »
Werner Blanck est l’un des premiers patients d’Iyaloo. Elle se dit peinée de voir qu’en Allemagne les personnes âgées ont rarement leur famille autour d’elles lorsqu’elles se retrouvent à l’hôpital. « En Namibie, vous ne verriez pas une personne âgée rester seule. Il serait accompagné. Je trouve ça très dur. Ce n’est pas bon de rester seul, surtout à cet âge. »
Trouver des amis
Le service terminé, Iyaloo se retrouve avec deux de ses collègues autour d’un café et d’une crème glacée. Les trois femmes sont installées sur une terrasse au bord du Rhin. Elles estiment qu’il n’est pas facile de se faire des amis allemands. « Pour nous, l’amitié c’est comme la famille, une fois que je suis dans ton monde tu es aussi dans le mien », dit Iyaloo. « Mais je pense que les Allemands sont difficiles à percer », s’amuse-t-elle. « J’espère qu’une fois amis, ils seront peut-être plus doux ».
« Je pense que je vais m’adapter mais je ne me sentirai jamais à la maison. Pour être honnête, c’est tellement différent. » Pour autant, Iyaloo ne regrette pas son choix. « Le travail est bien, je peux beaucoup apprendre et apprendre des meilleurs ». (dw)
(Ce récit est basé sur le documentaire de Adrian Kriesch et de Ruth Krause)