Menace terroriste et opérations militaires provoquent des déplacements de population et une crise alimentaire au Sahel, en particulier au Burkina Faso, où un habitant sur dix souffre de malnutrition. L’insécurité fait fuir les villageois et leur fait abandonner leurs champs.
Creuser, tamiser, recommencer. Chaque jour, huit heures durant, le travail de Kalidiata Badini se transforme en calvaire. Le dos courbé sous le soleil, au beau milieu d’un terrain crevassé par la sécheresse, cette veuve de 63 ans extrait le sable d’un tas de graviers à l’aide d’un petit tamis. Même pas découragée de voir la moitié s’envoler en nuage orangé dans le ciel. Il lui faudra répéter ces mêmes gestes au moins vingt jours, jusqu’à ce que la pile de granulats soit assez haute et qu’elle puisse la vendre 3 000 francs CFA (4,50 €) à un fabricant de parpaings. Un travail de fourmi, une vie de misère.
Mais pas le choix, souffle cette ancienne cultivatrice, le visage marqué par la fatigue, qui a tout perdu. Ses champs, ses animaux, ses stocks de céréales… Tout est resté là-bas, dans son village à Silgadji, au nord du Burkina Faso. Forcée de fuir il y a un an à cause des attaques terroristes, Kalidiata Badini est depuis réfugiée avec ses sept enfants dans une baraque, en pierre brute et en toit de tôle, sans eau ni électricité, à Panzani, dans la périphérie de Ouagadougou.
Comme elle, plus de mille déplacés fuyant les violences ont trouvé refuge dans la capitale. Mais en ville, loin de leurs terres, la vie est devenue presque impossible. Au Burkina Faso, près de deux millions de Burkinabés – un habitant sur dix – souffrent de la faim et ont besoin d’une aide d’urgence.
Terre brûlée
Auparavant Kalidiata Badini n’aurait jamais imaginé devoir mendier pour manger. Les cultures de mil, d’arachide, les moutons, les poulets… On avait tout, on ne connaissait pas la faim, se rappelle-t-elle, en langue moré. Jusqu’à ce jour où tout bascule, quand les djihadistes sont arrivés début 2019.
Ils ont promis d’exécuter ceux qui appelleraient la sécurité et les paysans qui ferait pousser la moindre graine au village, raconte Adama Sawadogo, son fils de 25 ans. Peu après, le pasteur de Silgadji, le cousin de sa mère, et cinq fidèles sont tués en plein culte dominical. En janvier, 39 civils ont encore été abattus dans l’attaque d’un marché de la commune.
Pillage des récoltes, vol de bétail, menaces… Les groupes armés, dont certains sont affiliés à Al Qaïda ou à l’organisation État islamique, pratiquent la politique de la terre brûlée au Burkina Faso, où 80 % de la population dépend de l’agriculture.
La famille préfère fuir, espérant trouver refuge dans la capitale. Sauf qu’ici elle dépend désormais des dons d’ONG pour manger. Quelques kilos de riz ou de tô (de la bouillie de mil) chaque jour. La viande et le poisson leur sont inaccessibles. Les enfants vont souvent à l’école le ventre vide, parfois on ne fait qu’un repas par jour, explique Kalidiata Badini. L’avenir est sombre. (ouestfrance)