Un an après un premier procès en destitution historique, Donald Trump se retrouve à nouveau mardi en position d’accusé au Sénat, dont les élus devront dire si l’ex-président des Etats-Unis a encouragé l’assaut meurtrier sur le Capitole dans les derniers jours de son mandat.
A plusieurs titres, ce nouveau procès entrera lui aussi dans l’Histoire: jamais auparavant un président n’avait été mis en accusation à deux reprises, et jamais, non plus, un président n’avait été jugé après avoir quitté le pouvoir.
Donald Trump, qui sera absent, sera probablement acquitté comme la première fois, car les 50 sénateurs démocrates auront beaucoup de mal à convaincre 17 républicains pour obtenir la majorité des deux tiers des 100 membres du Sénat nécessaire à une condamnation.
La violence de l’attaque, le 6 janvier, au moment où les élus certifiaient la victoire de Joe Biden à la présidentielle, a suscité un tel effroi que les démocrates ont réactivé la procédure de destitution, même si le mandat de Donald Trump touchait à sa fin.
Dès le 13, la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, l’a mis en accusation pour « incitation à l’insurrection ».
Le milliardaire républicain et ses alliés s’appuient d’ailleurs sur son départ de la Maison Blanche, le 20 janvier, pour soutenir que le procès est contraire à la Constitution: les sénateurs peuvent, selon eux, démettre un président en exercice, mais pas juger un simple citoyen.
L’accusation démocrate invoque le précédent d’un ex-ministre jugé dans ce cadre, et martèle qu’il faut condamner Donald Trump pour le rendre inéligible et « dissuader les prochains présidents de provoquer des violences afin de rester au pouvoir ».
Lors du procès, les avocats de la défense devraient se concentrer sur ce débat juridique, pour éviter d’avoir à justifier les tweets et diatribes enflammées de leur client.
La plupart des sénateurs républicains devraient aussi s’abriter derrière cet argument pour voter l’acquittement sans se prononcer sur le fond.
« Poudrière »
« Si cela s’était passé dans l’Union soviétique, on aurait appelé ça une mascarade », a lancé dimanche l’un d’eux, Bill Cassidy.
Comme il y a un an, lorsqu’il fut jugé pour « abus de pouvoir » pour avoir demandé à l’Ukraine d’enquêter sur le fils de Joe Biden, Donald Trump a toutes les chances d’éviter une condamnation.
L’ex-magnat de l’immobilier a toutefois beaucoup à perdre lors du procès, qui sera retransmis en direct dans tous les Etats-Unis.
Même s’il garde une base de fervents partisans, l’attaque sur le Capitole a érodé sa popularité.
Selon un sondage Ipsos/ABC News publié dimanche, 56 % des Américains pensent qu’il faut condamner l’ex-président et lui interdir de se représenter — mais plus de 80 % des républicains s’y opposent.
Lui qui, à 74 ans, caresse l’idée d’une nouvelle candidature en 2024, n’a pas intérêt à voir l’épisode joué et rejoué.
Or, les élus démocrates qui porteront l’accusation entendent bien dénoncer l’attitude de Donald Trump qui a, selon leur argumentaire écrit, « créé une poudrière, allumé une allumette puis cherché à tirer personnellement profit du chaos qui a suivi ».
Ils devraient revenir longuement sur les événements qui ont ébranlé la démocratie américaine.
« De la force »
Après deux mois d’une croisade ubuesque contre le verdict des urnes, Donald Trump avait appelé ses partisans à manifester à Washington le jour où le Congrès devait enregistrer la victoire de son rival.
Se posant à nouveau, contre toute évidence, en victime de « fraudes massives », il avait lancé à la foule: « Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles. Vous devez montrer de la force ».
Quelques instants plus tard, des centaines d’hommes et de femmes forçaient l’entrée du Capitole, semant la peur et le chaos. Cinq personnes, dont un policier frappé avec un extincteur, ont perdu la vie dans l’attaque.
Il faudra plusieurs heures à Donald Trump pour demander à ses partisans de « rentrer à la maison », dans une vidéo où il leur dit aussi: « On vous aime ».
Pour rappeler l’ampleur du drame, les procureurs démocrates pourraient demander à entendre des témoins. Mais il n’est pas certain que les sénateurs, qui devront valider mardi le cadre du procès (durée, horaires, auditions…), acceptent.
Les républicains ne veulent pas s’attarder sur cet épisode qui suscite la division en leur sein, comme l’a encore montré la motion de censure adoptée samedi par le parti républicain du Wyoming contre l’élue de l’Etat Liz Cheney, une des rares à droite à avoir voté la mise en accusation de Donald Trump.
Et les démocrates n’ont pas intérêt à faire traîner en longueur un procès qui les empêche se consacrer à la mise en oeuvre du programme de Joe Biden. (lepoint)