dimanche, novembre 24, 2024
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Le Sénégal cherche à éteindre les derniers feux de la rébellion en Casamance

Et si l’heure était venue de solder l’un des vieux conflits du continent africain ? L’opération menée par l’armée sénégalaise en Casamance et l’accueil apparemment favorable que lui font beaucoup de Casamançais accréditent en tout cas un essoufflement de la rébellion indépendantiste.

Des Casamançais comme Baïlo Coly, interrogés par l’AFP, expriment ce souhait de tourner la page et voient d’un bon oeil l’armée sénégalaise ratisser la brousse depuis fin janvier et se targuer d’avoir capturé au moins trois des bases historiques du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC).

« Nous souhaitons vivement la fin de la rébellion. Elle nous a fait beaucoup de tort, en retardant la région de 50 ans et en provoquant des fissures sociales », dit Baïlo Coly, dans la commune de Kaour, région de Sédhiou.

Baïlo Coly fait partie des nombreux Casamançais que le conflit a fait fuir de chez eux, depuis que des indépendantistes ont pris le maquis avec un armement rudimentaire après la répression d’une marche du MFDC en décembre 1982. La rébellion a prospéré sur le particularisme de cette région fertile mais isolée en grande partie du Sénégal par la Gambie et encline au sentiment de délaissement.

Après avoir fait des milliers de victimes et ravagé l’économie, le conflit a persisté à petits feux, avec des coups de chaud comme le massacre de 14 hommes près de Ziguinchor en 2018.

Ces dernières années, les autorités sénégalaises ont entrepris de réinstaller les déplacés. Fin janvier, sans guère de signe avant-coureur, l’armée a lancé les opérations « Bravo » et « Charlie » pour permettre ces retours et mettre fin aux trafics florissants de bois ou de cannabis. Il s’agissait aussi de faire cesser les « exactions » commises selon elle contre les civils.

L’armée a emmené cette semaine les journalistes dans la brousse, près de la frontière avec la Guinée-Bissau pour leur montrer deux des bases dont elle dit s’être emparée après des tirs d’artillerie et une offensive terrestre soutenue par l’aviation.

Parmi les bunkers de terre couverts de tôle qui servaient d’abri aux rebelles selon eux, les officiers ont exhibé ce qu’ils ont présenté comme des prises de guerre: quelques mortiers et lance-roquettes, des fusils rouillés et un bric-à-brac d’ustensiles de cuisine, de bicyclettes hors d’âge, de charrettes et une machine à écrire.

Voisinage conciliant

Aucune information de source fiable et indépendante ne permet de dire si le butin annoncé restitue l’état des forces de la rébellion ni les pertes qu’elle (ou l’armée sénégalaise) aurait subies. Le sentiment est répandu en Casamance que les rebelles avaient eu vent de l’offensive à venir et auraient plié bagage.

« Nous nous sommes repliés parce que nous n’avons pas pu faire face à la puissance de feu de l’armée sénégalaise », a dit à l’AFP sous le couvert de l’anonymat un combattant du MFDC ayant fui en Guinée-Bissau.

L’armée a fait part d’un « seul » soldat « blessé dans ses rangs au cours de ses opérations, dans un communiqué jeudi qui ne précise pas d’éventuelles pertes rebelles.

Un expert de la question casamançaise, s’exprimant lui aussi anonymement en raison de la sensibilité du sujet, relève que l’armée sénégalaise a aujourd’hui des moyens lui économisant les pertes dans un milieu que les maquisards connaissent par coeur.

Il évoque aussi l’opportunité créée par les changements politiques en Guinée-Bissau, avec l’accession à la présidence en 2020 d’Umaro Sissoco Embalo, allié du chef de l’Etat sénégalais Macky Sall.

L’ancien pouvoir bissau-guinéen avait un rapport historique avec la rébellion. L’avènement de M. Embalo « a été l’affaire décisive », dit cet expert. Avec lui, Dakar a « l’assurance » que la Guinée-Bissau ne sert pas de base arrière au MFDC, dit-il.

Au nord de la Casamance aussi, en Gambie, également accusée par le passé de soutenir le MFDC, le Sénégal peut compter depuis 2017 sur un gouvernement propice à ses vues.

L’usure joue par ailleurs. « Le MFDC a progressivement perdu sa base affective. Des Casamançais qui croyaient à l’indépendance ont pu s’apercevoir au fur et à mesure que ce n’était plus évident », dit l’expert.

Une paix encore à faire

« Dieu merci, trois fois », s’exclame Laminé Sané, notable du village de Singuère Baïnouk à l’adresse de l’armée sénégalaise, « depuis 30 ans, nous vivons dans l’insécurité totale ».

Le colonel Souleymane Kandé, un des chefs locaux de l’armée sénégalaise en Casamance, assure que l’armée va rester sur les bases prises.

Des « lignes rouges » sont désormais tracées et « toute exaction sur les populations sera vue comme une déclaration de guerre », assène-t-il.

La rébellion disposerait encore de bases dans la région de Ziguinchor et à la frontière avec la Gambie. Certaines factions du MFDC « sont prêtes à déposer les armes », assure le colonel Kandé.

La difficulté d’accès aux informations et la nature clandestine de la rébellion rend délicat tout pronostic sur l’avenir du conflit.

Dans le journal sénégalais le Quotidien, l’analyste Yoro Dia observe que la paix reste à faire politiquement.

Le président Sall, après son arrivée au pouvoir en 2012, a relancé les tractations. Mais elles n’ont pas abouti à un accord définitif, compliquées par les divisions au sein du MFDC.

« L’armée a gagné la guerre. Ce sont les politiciens qui sont incapables de gagner la paix », écrit Yoro Dia. Les récentes opérations, en créant un état de fait qui est la restauration de l’autorité de l’Etat, vont favoriser les négociations, dit-il. Mais l’aile intérieure du MFDC devra en être l’interlocutrice, et une paix éventuelle devra prendre en compte l’identité casamançaise, selon lui. (LePoint/Afp)

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