Les pays du G5 Sahel se réunissent lundi et mardi à N’Djamena au Tchad tandis que la France participera en visioconférence au sommet qui doit poser les bases d’une montée en puissance des acteurs locaux.
Cinq pays du Sahel et la France se réunissent en sommet, lundi 15 février, pour faire le point sur la lutte antijihadiste dans la région, où Paris voudrait voir ses alliés assumer le relais militaire, mais aussi politique, pour réduire un engagement vieux de huit ans.
Les présidents du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) sont annoncés présents à N’Djamena, la capitale tchadienne. Le président français Emmanuel Macron participera pour sa part en visioconférence à ce sommet qui s’ouvrira officiellement à 14 h.
Le sommet de deux jours, associant dans un premier temps le G5 Sahel et la France, puis d’autres partenaires internationaux, a lieu un an après celui de Pau, en France, qui, devant la menace d’une rupture sous les coups de boutoir jihadistes, avait débouché sur un renforcement militaire dans la zone dite des « trois frontières » (Mali, Niger et Burkina) et l’envoi de 600 soldats français supplémentaires, les faisant passer de 4 500 à 5 100.
En dépit des succès tactiques revendiqués, le tableau demeure très sombre. Plus de huit ans après le début dans le nord du Mali d’une crise sécuritaire qui continue à étendre ses métastases à la sous-région, quasiment pas un jour ne passe dans les trois principaux pays affligés sans une attaque contre ce qui reste de représentation de l’État, l’explosion d’une mine artisanale ou des exactions contre les civils. Ceux-ci sont les principales victimes du conflit. La barre des deux millions de déplacés a été franchie en janvier.
Paris veut plus d’efforts de ses partenaires
Un an après Pau et le temps du « sursaut militaire » doit venir à N’Djamena celui du « sursaut diplomatique, politique et du développement », selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
L’armée française revendique d’avoir sérieusement affaibli l’organisation État islamique et tué plusieurs chefs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le nombre d’attaques de camps militaires a baissé en 2020.
Mais les deux principales nébuleuses jihadistes restent très actives. Et le gouvernement français, confronté chez lui aux interrogations croissantes sur un engagement antijihadiste financièrement et humainement coûteux (50 soldats tués depuis 2013), convient que le remède ne peut être seulement militaire. La France juge que trop peu a encore été fait par ses partenaires sahéliens sur le front politique, par exemple au Mali pour appliquer un accord de paix signé avec l’ex-rébellion du Nord ou pour faire revenir les instituteurs et les médecins dans les localités qu’ils ont désertées.
« Le passé l’a démontré » : si les opérations militaires ont pu « freiner ici et là » l’expansion des groupes jihadistes, ils « sont capables de faire le dos rond, contourner le dispositif et continuer » comme avant, avertit le directeur Sahel du think tank International Crisis Group (ICG), Jean-Hervé Jézéquel.
La France ne cache pas sa volonté de réduire la voilure. Elle va « ajuster (son) effort », assurait en janvier Emmanuel Macron. Mais Paris semble hésiter à couper immédiatement dans ses effectifs.
Dialogue avec les chefs jihadistes
Paris privilégie deux axes pour alléger son empreinte : l' »internationalisation », incarnée par le nouveau groupement de forces spéciales Takuba, auquel participent plusieurs dizaines d’Estoniens, de Tchèques et de Suédois ; et la « sahélisation », c’est-à-dire le passage du témoin aux armées nationales locales que la France forme avec l’Union européenne. Celles-ci, sous-entraînées et sous-équipées, restent vulnérables. Au Burkina, les soldats ne sortent plus guère des bases quand ils ne les ont pas quittées.
Politiquement, Paris martèle qu’il est temps d’embrayer sur l’espace ouvert par les réussites militaires des derniers mois et de réinstaller l’État là où il est aujourd’hui absent.
Au Mali, épicentre de la crise, les militaires – qui gardent la mainmise sur les autorités de transition installées après le putsch d’août 2020 – reprennent à leur compte la nécessité d’un dialogue avec les chefs jihadistes maliens Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa.
Une hypothèse officiellement exclue par Paris. Mais le sommet de N’Djamena pourrait toutefois « acter l’effort ciblé sur la haute hiérarchie » du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda, hiérarchie dont les deux hommes sont les principales têtes, explique l’Élysée.
Ce sommet marquera enfin la prise de commandes du G5 Sahel par le Tchad, deux mois avant la présidentielle dont le président tchadien Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, est le grand favori. (France24)