Des manifestants se sont de nouveau rassemblés, lundi, dans plusieurs villes de Birmanie pour dénoncer le coup d’État militaire et l’arrestation de la dirigeante Aung San Suu Kyi, alors que l’armée a renforcé sa présence dans les rues et déployé des véhicules blindés.
La contestation se poursuit sans relâche en Birmanie. Des milliers de Birmans sont à nouveau descendus dans les rues, lundi 15 février, pour réclamer la démocratie, mais les manifestations ont été moins massives que les jours précédents, au lendemain du déploiement de troupes par la junte dans plusieurs villes.
Dans la plus grande d’entre elles, Rangoun, qui est aussi la capitale économique, des milliers de personnes se sont réunies devant les ambassades de Chine et des États-Unis. « Dehors le dictateur ! », pouvait-on notamment lire sur des banderoles.
Elles étaient également des milliers devant les locaux de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, dont le gouvernement civil a été renversé le 1er février par l’armée, qui a ainsi mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans.
Plus de mille contestataires se sont en outre regroupés près du siège de la banque centrale. Malgré les menaces, « les mouvements populaires ne s’arrêteront pas (…). Nous n’avons pas peur d’être arrêtés ou fusillés », a lâché Nyein Moe, une guide touristique.
La présence de militaires appuyés par des véhicules blindés a toutefois refréné les ardeurs, tandis que des entreprises ont envoyé des courriels à leurs employés pour les inciter à ne pas manifester. Sans compter que les connexions internet ont été coupées des heures durant dans la nuit de dimanche à lundi et en début de matinée.
D’autres rassemblements se sont déroulés ailleurs en Birmanie, comme à Naypyidaw, la capitale administrative, où une vingtaine d’étudiants ont été interpellés, et à Mandalay, la deuxième agglomération birmane, où la police, qui a fait usage de balles en caoutchouc, a blessé au moins six contestataires, d’après des témoins.
Aung San Suu Kyi maintenue en détention
Inculpée pour avoir importé illégalement des talkie-walkies, Aung San Suu Kyi, 75 ans, va de son côté être maintenue en détention jusqu’à mercredi à la suite du report d’une audience, initialement prévue pour ce lundi, a annoncé son avocat, Khin Maung Zaw. Elle est « en bonne santé », assignée à résidence à Naypyidaw, a cependant assuré ce week-end la LND.
La peur des représailles est omniprésente en Birmanie, un pays qui a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948.
D’autant que les forces de l’ordre ont déjà violemment dispersé des rassemblements en tirant sur des manifestants depuis le coup d’État. Une femme de 20 ans, grièvement blessée la semaine dernière, est toujours dans un état critique.
De plus, quelque 400 personnes – responsables politiques, militants, médecins, étudiants – ont au total été arrêtées.
Et ce malgré la création de comités de vigilance citoyenne, dont les membres, des habitants de quartiers, sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d’opérations nocturnes visant à interpeller des opposants.
« Une affaire intérieure »
Les événements en Birmanie continuent par ailleurs de préoccuper la communauté internationale.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a à cet égard appelé l’armée à « garantir le droit de se réunir pacifiquement » et à autoriser « d’urgence » la diplomate suisse Christine Schraner Burgener à se rendre sur place « évaluer directement la situation ».
Les États-Unis ont, quant à eux, détaillé, il y a plusieurs jours, une série de sanctions à l’encontre de plusieurs généraux.
Des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues ces derniers jours, le plus fort vent de fronde depuis la « révolution de safran » – encadrée par des moines – de 2007, tandis que de nombreux fonctionnaires se sont mis en grève pour soutenir le mouvement.
En réaction, les généraux putschistes, qui contestent la régularité des législatives de novembre, massivement remportées par la LND, ont autorisé les perquisitions sans mandat ou des placements en détention pour une courte période sans le feu vert d’un juge.
Lundi, leur chef, Min Aung Hlaing, paria à l’international pour les exactions commises contre les musulmans rohingyas en 2017, a martelé que ce qui se passait en Birmanie était « une affaire intérieure ». (France24/Afp)