Les Premiers ministres italien et grec effectuent mardi une visite officielle en Libye, preuve supplémentaire du vif intérêt de l’Europe pour l’embellie politique dans ce pays du voisinage après une décennie de chaos.
Ces dernières semaines, Tripoli a vu défiler les responsables européens après que le gouvernement unifié a obtenu la confiance du Parlement pour mener la transition du pays vers des élections fin décembre, embellie politique chapeautée par l’ONU.
Pour sa première visite à l’étranger, le chef du gouvernement italien Mario Draghi a rencontré les nouvelles autorités, chargées d’unifier les institutions jusqu’alors divisées entre des pouvoirs rivaux dans l’est et l’ouest du pays.
Une « preuve de l’importance des relations historiques entre nos deux pays » et l’occasion de « reconstruire une vieille amitié et une proximité qui n’a jamais connu de pause », a déclaré M. Draghi lors d’une conférence de presse aux côtés du nouveau Premier ministre libyen Abdelhamid Dbeibah à Tripoli. Ce dernier a accueilli dans la foulée le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
« Il s’agit d’un moment unique pour la Libye », a ajouté M. Draghi, rappelant que l’ambassade d’Italie avait été « la seule » représentation diplomatique européenne « ouverte durant toutes ces longues années de conflit ».
« La condition préalable pour pourvoir aller de l’avant avec courage est que le cessez-le-feu continue et soit strictement respecté », a-t-il poursuivi, en référence à l’accord signé entre les parties en conflit en octobre 2020.
– Migrations –
Sur le dossier migratoire, M. Draghi a dit être « satisfait » des sauvetages menés au large de la Libye, important point de passage pour des dizaines de milliers de migrants cherchant chaque année à rejoindre par la Méditerranée les côtes italiennes, distantes de quelque 300 km.
L’Italie, ancienne puissance coloniale, est pour la Libye un partenaire commercial de premier plan, notamment dans le domaine des hydrocarbures, avec une importante présence du géant italien Eni dans ce pays qui dispose des plus importantes réserves pétrolières d’Afrique
« Les dossiers d’intérêts communs sont nombreux. Nous devons les réactiver rapidement », a déclaré M. Dbeibah. « Pour renforcer la coopération économique et commerciale entre les deux pays, nous espérons que (Rome) rouvrira son espace aérien aux compagnies libyennes. »
Le Premier ministre grec doit lui annoncer la réouverture de l’ambassade de Grèce à Tripoli et de son consulat à Benghazi, grande ville de l’Est.
L’accord turco-libyen de délimitation maritime, qui avait suscité fin 2019 la colère de la Grèce et de l’UE, sera notamment évoqué au cours de cette visite, selon la porte-parole du gouvernement grec Aristotelia Peloni, avec en toile de fond la question des hydrocarbures en Méditerranée orientale.
La Turquie avait signé cet accord avec l’ex-Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, qu’elle avait aidé militairement à repousser l’offensive sur Tripoli du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est.
– Soutien de l’UE –
Le 25 mars, les chefs de la diplomatie française, allemande et italienne avaient déjà rencontré les nouvelles autorités à Tripoli dans un geste européen de soutien face aux progrès politiques.
Le président du Conseil européen Charles Michel s’y est lui rendu dimanche pour apporter le soutien de l’UE au gouvernement.
Le lendemain, c’est le Premier ministre maltais Robert Abela qui a annoncé la réouverture de l’ambassade à Tripoli et la reprise des liaisons aériennes « dans les prochains jours ».
La Libye tente de s’extraire d’une décennie de conflit, depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, un chaos marqué par l’existence de pouvoirs rivaux, par des violences sanglantes et la présence de milices, de combattants étrangers et de groupes jihadistes.
Le nouvel exécutif est né d’un processus onusien lancé en novembre, mis sur orbite en février et confirmé en mars par un vote de confiance du Parlement.
Les défis restent colossaux après 42 ans de dictature et une décennie de violences ayant suivi l’intervention militaire internationale, lancée en mars 2011 sous l’égide de l’Otan et conclue en octobre de la même année par la mort du « Guide » Mouammar Kadhafi.
Malgré la fin des combats à l’été 2020, suivie par un accord de cessez-le-feu en octobre, le pays reste miné par les luttes d’influence, le poids des milices et la présence de mercenaires étrangers. L’ONU, la Libye et plusieurs pays appellent sans cesse à leur retrait immédiat.
Les autorités ont annoncé lundi la création d’une commission de réconciliation nationale, saluée le lendemain par l’ONU, qui sera chargée de rétablir la paix sociale. (Afp)