Le parquet national antiterroriste requiert un procès contre un ex-gendarme rwandais détenu en France pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement en vue de la préparation » de ces crimes.
L’ex-gendarme rwandais Philippe Hategekimana, naturalisé français, voit se rapprocher la perspective d’un procès aux assises, réclamé par le ministère public qui accuse le militaire, détenu depuis deux ans, d’avoir participé activement au génocide des Tutsis en 1994.
Philippe Hategekimana – naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier – doit être fixé d’ici à un mois sur la décision finale des juges d’instruction chargés des investigations sur le rôle joué dans les massacres par cet ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare (sud).
Au terme d’une enquête ouverte en 2015, le pôle « crimes contre l’humanité et crimes de guerre » au sein du parquet national antiterroriste (Pnat) a requis le 13 avril que l’ancien gendarme soit jugé pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement en vue de la préparation » de ces crimes.
Trois condamnations sur huit
Si les magistrats suivent l’avis du parquet, le sous-officier sera le 8e accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours de ce génocide, qui a fait plus de 800 000 morts selon l’ONU, essentiellement des Tutsis exterminés entre avril et juillet 1994.
Mais à ce jour, seuls trois d’entre eux ont été condamnés définitivement et le dernier procès remonte à 2018. Un quatrième accusé doit être jugé en novembre. Mais vingt-sept ans après le génocide, Kigali et les parties civiles manifestent régulièrement leur impatience de voir enfin juger les suspects réfugiés en France, la justice française s’étant constamment opposée à leur extradition vers le Rwanda.
Le sort judiciaire de ces suspects est un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide. Le ton est désormais à l’apaisement depuis le rapport Duclert, qui a conclu le mois dernier à des « responsabilités lourdes et accablantes » de Paris lors des massacres.
Philippe Hategekimana, lui, se voit reprocher par l’accusation « son rôle dans l’érection de barrières destinées à contrôler et assassiner les civils tutsis », « dans le meurtre de plusieurs Tutsis sur deux de ces barrières », « dans l’assassinat du bourgmestre de Ntyazo, Narcisse Nyagasaza et d’un groupe de Tutsi » et « dans la direction et la mise en œuvre des massacres des collines de Nyabubare et Nyamure », a précisé le Pnat dans un communiqué, qui retient aussi « sa participation à plusieurs réunions visant à préparer ou coordonner les crimes ».
Selon le Pnat, « à Nyabubare, les massacres avaient entraîné la mort de près de 300 Tutsis tandis qu’à Nyamure, près de 10 000 victimes étaient dénombrées ».
Arrêté au Cameroun
Philippe Hategekimana était parti du Rwanda après le génocide. Domicilié dans la région de Rennes, il avait quitté la France pour le Cameroun peu avant son arrestation. Interpellé fin mars 2018 à Yaoundé et extradé un an plus tard, il était mis en examen le 15 février 2019 et placé en détention provisoire.
Sa défense, assurée par Mes Emmanuel Altit, Alexis Guedj et Fabio Lhote, n’était pas en mesure de réagir dans l’immédiat.
« C’est un dossier important et qui a avancé plus vite que d’autres », compte tenu de la détention, s’est félicité Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda, dont la plainte en juin 2015 avait déclenché l’enquête.
Quarante parties civiles, dont le CPCR, la Licra et des rescapés ou proches de victimes, se sont constituées dans ce dossier.
« Trente informations judiciaires relatives au génocide commis au Rwanda sont toujours en cours » en France, précise le Pnat.
Un procès lié à ce génocide est prévu en novembre, celui d’un ancien chauffeur d’hôtel Claude Muhayimana.
Trois autres accusés – l’ex-préfet Laurent Bucyibaruta et les médecins Sosthène Munyemana et Eugène Rwamucyo – ont formé des recours contre leur renvoi aux assises. L’ultime recours de M. Bucyibaruta a été rejeté ce mercredi par la Cour de cassation mais les dates du procès ne sont pas encore fixées. (Ouest France)