Wakit Tama, un collectif de partis d’opposition et d’associations de la société civile, a appelé à manifester contre le Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président. À leurs yeux, la transition est « illégitime ». En effet, le nouvel homme fort du Tchad, entouré de 14 généraux, tous fidèles à son père, concentre presque tous les pouvoirs, dont ceux de président de la République et de chef suprême des armées.
« Gaz lacrymogène »
Tôt dans la matinée de ce samedi 8 mai, les manifestants ont commencé par sortir en ordre dispersé dans les différents quartiers de la capitale N’Djamena. Ils ont aussitôt été dispersés à coups de gaz lacrymogène.
Dans le 6e arrondissement de N’Djamena, dans le sud de la capitale, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser une tentative de rassemblement sur la place First Africa, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les forces de l’ordre sont massivement déployées dans les rues de la capitale.
Un petit groupe de manifestants a brûlé des drapeaux français, dans le 5e arrondissement, dans le nord de la capitale. La France est accusée par une partie de l’opposition de soutenir le nouveau pouvoir depuis que le président Emmanuel Macron est venu à N’Djamena rencontrer les nouvelles autorités à l’occasion des funérailles du maréchal Déby, seul chef d’État occidental à avoir fait le déplacement. « Oui à un pouvoir civil », ont écrit sur une pancarte des manifestants.
Bras de fer
La junte au pouvoir a interdit la manifestation prévue également à l’appel de plusieurs partis d’opposition, car ses organisateurs n’ont pas obtenu d’« autorisation préalable », selon un communiqué diffusé vendredi par le ministre de la sécurité publique. « La marche dite pacifique de la coordination des actions citoyennes Wakit Tama, (?) n’ayant pas eu une autorisation préalable (?), est strictement interdite sur l’ensemble du territoire national », selon un communiqué signé par Souleymane Abakar Adoum, le ministre de la Sécurité publique. Mais plus tard dans la soirée, les autorités ont annoncé tolérer les manifestations du jour, sous réserve qu’elles soient pacifiques et en assurant l’encadrement par les forces de police et de sécurité.
Les organisateurs de la manifestation « ne donnent pas de détails sur leur itinéraire. (?) On a voulu autoriser mais, eux, ils se sont radicalisés. Ils veulent l’affrontement avec nous. S’ils veulent l’affrontement, ils l’auront », a déclaré à l’AFP Abdramane Koulamallah, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.
« Ils n’ont aucun droit de nous bloquer ou de nous dire de passer par ici ou par là », a réagi de son côté auprès de l’AFP Max Loalngar, le coordinateur du collectif Wakit Tama. « Nous exercerons nos droits », a-t-il poursuivi.
Le ministre de la Sécurité publique a autorisé dans un autre arrêté une manifestation organisée par l’Entente de la société civile pour un dialogue inclusif et une transition consensuelle apaisée.
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Triste journée du 27 avril
Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui du 27 avril. Ce jour-là, la manifestation a tourné à l’affrontement violent, avec une répression des forces de sécurité. Six personnes avaient été tuées à N’Djamena, la capitale, et dans le sud du Tchad, selon les autorités, neuf selon une ONG locale, au cours de ces manifestations, interdites par les autorités, à l’appel de l’opposition et de la société civile. Plus de 600 personnes ont été arrêtées.
La junte a constitué dimanche par décret un gouvernement de transition composé de 40 ministres et secrétaires d’État. Les postes régaliens sont presque tous aux mains de membres du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti d’Idriss Déby. Deux membres du parti de l’opposant historique au maréchal Déby, Saleh Kebzabo, ont fait leur entrée dans le gouvernement de transition. Son parti s’est depuis retiré du collectif Wakit Tama. « Notre parti s’est retiré et n’appelle pas à manifester samedi », a déclaré jeudi à l’AFP Saleh Kebzabo. (Le Point)