Inconnu il y a un an, chef aujourd’hui d’un Etat dans la tourmente, le colonel malien Assimi Goïta a achevé sa mue sans quasiment jamais se départir de son uniforme et de son béret vert.
Une part de mystère subsiste sur ce qui motive l’ancien commandant de bataillon des forces spéciales devenu président d’un pays en première ligne de la propagation jihadiste et des multiples maux du Sahel: sacrifice de sa personne ou ivresse du pouvoir ?
Quand il parle, l’officier au verbe rare dit placer l’intérêt de la nation au-dessus de tout.
Mais le doute est levé quant à savoir jusqu’où irait son ascension. La Cour constitutionnelle a déclaré vendredi président de transition celui que personne ou presque ne connaissait jusqu’à ce qu’il apparaisse, silencieux, avec quatre autres officiers putschistes assis à une table devant les caméras pour annoncer aux Maliens le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020.
Assimi Goïta, 37 ans alors, avait laissé le colonel major Ismaël Wagué lire le communiqué informant que des soldats avaient décidé de « prendre (leurs) responsabilités », parce que « notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée ».
« Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Donc, nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus, le Mali d’abord », disait le colonel Goïta en se présentant sommairement le lendemain du putsch qui faisait de lui le nouvel homme fort.
Neuf mois après, le propos résonne à l’heure d’un cinquième coup d’Etat depuis l’indépendance, dont deux à l’actif du colonel. Certains des putschistes de 2020 étaient à l’oeuvre dans celui qui, en 2012, a précipité la déconfiture de l’armée face aux rébellions du nord.
– Paraître et être –
Cette histoire contemporaine, Assimi Goïta en est l’un des acteurs.
Fils d’un ancien directeur de la police militaire, il a étudié au Prytanée de Kati, la principale école militaire du Mali.
En 2002, il a été envoyé dans le nord et y a fait ses armes, basé successivement à Gao, Kidal, Tombouctou, Ménaka, Tessalit. Il a participé au combat contre les rebelles indépendantistes, puis jihadistes, et est monté en grade.
Pas grand-chose ne distingue l’officier athlétique des hommes en tenue de combat qui l’accompagnent partout.
« Paraître, ce n’est pas son problème. C’est un homme de terrain, on l’a vu dans le nord », dit un colonel sous couvert de l’anonymat.
Le putsch de 2020 fait de lui un chef de junte. Un acte fondamental à la validité contestée fait déjà de lui le chef de l’Etat, temporairement.
A l’époque, la communauté internationale obtient que la transition censée ramener des civils au pouvoir dure 18 mois, et non trois ans, et que soient nommés un président et un Premier ministre civils. Assimi Goïta renonce, sur le papier, à la possibilité de devenir président en cas d’empêchement de ce dernier.
– « Seul celui… » –
Dans les faits, la junte conserve le contrôle. Le Mali et ses partenaires assistent à la militarisation de l’appareil d’Etat. Une vice-présidence investie des attributions primordiales de la défense et de la sécurité est taillée sur mesure pour Assimi Goïta.
Il continue à fuir la lumière. Mais, le cou et le menton communément engoncé dans un cache-col militaire, il est un interlocuteur obligé pour les partenaires étrangers: engagé dans la lutte antijihadiste et promettant de remettre le pouvoir aux civils à la fin de la transition.
Le 24 mai, il bouscule la relation avec ces partenaires en faisant arrêter le président et le Premier ministre de transition, au risque de la réprobation internationale. Quatre jours après, il est déclaré président de la transition.
« Nous n’avons pas droit une fois de plus de commettre les mêmes erreurs », disait-il vendredi peu de temps avant d’être élevé au rang de chef de l’Etat.
« Il fallait choisir entre la stabilité du Mali et le chaos. Nous avons choisi la stabilité », disait-il, « car il s’agit de l’intérêt supérieur de la nation. Nous n’avons pas d’autre agenda caché ».
« Seul celui qui n’agit pas ne se trompe pas », déclarait-il. (Afp)