AFRICA2020. Bien que non publié depuis l’an 2000, ce magazine précurseur né en 1991 continue d’écrire son histoire. Une exposition lui est consacrée aux Abattoirs de Toulouse.
« C’est un heureux fruit du hasard », s’exclame Jean-Loup Pivin, fondateur de Revue noire, devant la sculpture d’Ousmane Sow, Les lutteurs noubas, érigée à l’entrée des Abattoirs de Toulouse. Cette œuvre de l’artiste sénégalais a illustré la toute première couverture de son trimestriel sorti en 1991, et fait partie de la collection permanente du musée.
« Ousmane récoltait des déchets dans des usines de plastique et les mélangeait à de la boue pour en tirer une sorte de résine, raconte l’architecte de formation. Il était convaincu que cette drôle de matière était pérenne – il a même créé une partie de sa maison avec. Or, ce matériau est très fragile. C’est d’autant plus intéressant que l’œuvre est en déséquilibre », observe le passionné.
Une revue pour raconter la création contemporaine africaine…
L’histoire de Revue noire – titrée ainsi en référence au magazine littéraire français Revue blanche – est bien celle de passionnés. À l’orée des années 1990, Jean-Loup Pivin, Pascal Martin Saint Léon, directeur artistique, Bruno Tilliette et Simon Njami, rédacteurs en chef, rejoints plus tard par N’Goné Fall et Isabelle Boni-Claverie, sont animés par une seule volonté, celle de raconter et de diffuser la création contemporaine africaine, loin du discours folklorique, ethnologique et misérabiliste dominant de l’époque. Architecture, photographie, peinture, littérature, mode… la diversité des expressions artistiques du continent trouve ainsi sa plateforme sous l’impulsion du quatuor. Un pari fou qui durera 20 ans et quelque 35 numéros léchés, imprimés sur grand format en version bilingue (français-anglais).
… à travers des artistes du continent…
Au total, pas moins de 3 500 artistes ont été publiés dans ce magazine audacieux ayant permis à nombre d’entre eux de rayonner sur la scène internationale. « La vraie réussite pour nous, ce n’était pas que les artistes africains fassent des expos africaines, mais bien qu’ils intègrent des institutions internationales comme Documenta, la Biennale de Venise… », revendique Jean-Loup Pivin.
Pourtant, sans Revue noire, la Dak’art (biennale de Dakar) et les Rencontres de Bamako ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. « On n’a lancé personne, mais on a fait découvrir des talents au marché. Certains sont aussi tombés dans l’oubli, comme Mickael Bethe Selassie, mort récemment », regrette celui qui a sillonné une vingtaine de pays africains. C’est donc là tout l’intérêt de cette exposition*.
… à faire revivre dans l’exposition aux Abattoirs de Toulouse
Faire (re)découvrir une scène artistique foisonnante, riche et pluridisciplinaire, en accrochant l’œil du visiteur au moyen de créations signées d’artistes plus connus du grand public, comme le peintre congolais Chéri Samba exposé à côté du plus confidentiel artiste mauricien Ennry Kums.
Direction le joyeux fourbi artistique de nos quatre acolytes, dans une première pièce mêlant sculptures, peintures, dessins, installations, tentures… Un premier parcours à découvrir sur fond d’enregistrements originaux comme quelques pépites du groupe de rap sénégalais PBS (Positive Black Soul), distribuées à l’époque en format CD avec le magazine. Ici, pas de tirages XXL des couvertures cultes, ni de photos coulisses entre les artistes et les fondateurs de Revue noire.
Seule une discrète vitrine vient retracer la frise chronologique de la revue à travers ses unes, comme pour témoigner de l’ensemble des champs artistiques et des pays couverts par l’équipe, qui formait un comité éditorial en local avant chaque bouclage. En lieu et place, une sélection subjective donnant à voir une Afrique moderne et urbaine, comme le souhaitaient ces soixante-huitards revendiqués. « Nous ne sommes pas des collectionneurs, nous n’avons jamais eu d’intention commerciale. » (lepoint.fr)