C’est une découverte archéologique exceptionnelle que viennent de faire des chercheurs polonais sur les bords du Nil. Explications.
Fondée au Ve siècle, la capitale du royaume de Dongola (au nord du Soudan) a connu il y a plus de quinze siècles un développement rapide. Placé sur la route reliant la Nubie et l’Égypte, ce micro-État, aussi connu sous le nom de Makurie, tira, semble-t-il, sa prospérité de l’exploitation de mines, mais aussi de la présence d’oasis permettant aux caravanes de faire halte sur son territoire. Son histoire est cependant mal connue. A-t-il été fondé par la tribu nubienne portant le nom de Makkourae ? C’est ce que laisse entendre le chercheur américain William Y. Adams (1927-2019), qui a publié, en 1977, une recension des manuscrits de l’époque ptoléméenne qui évoquent les débuts de ce royaume. Mais rien n’est moins sûr.
Christianisés par des missionnaires provenant probablement d’Anatolie, au VIe siècle, les monarques de Dongola auraient fait ériger une grande cathédrale à l’époque médiévale. C’est du moins ce qu’avancent les chercheurs de l’université de Varsovie qui ont exhumé, en mai dernier, les fondations d’un vaste bâtiment qu’ils pensent être religieux, sur la rive orientale du Nil. Un palais, un cimetière et des ateliers de poteries avaient déjà été identifiés, en 2018, dans cette région qui fut islamisée après le XIVe siècle. Une église et un monastère avaient aussi été retrouvés sur place lors de précédentes campagnes de fouille.
Des dimensions inhabituelles pour la région
Le bâtiment récemment sorti des sables présente des dimensions inhabituelles dans la région. La forme de ses fondations et la présence de ce qui ressemble à une abside, large de 25 mètres, laissent entendre que cet édifice, orienté à l’est, était un important sanctuaire. D’autant qu’une tombe y a été retrouvée. Elle pourrait être celle d’un des premiers évêques du royaume de Makurie. Cette structure est cinq fois plus imposante que celle qui avait été découverte dans les années 1960 dans la ville de Faras, plus au sud. Où des inscriptions avaient permis de déterminer la présence de la sépulture d’un autre évêque, prénommé Jean, et ayant vécu autour de l’an mille.
Une reconstitution en trois dimensions du bâtiment indique qu’il disposait probablement de trois étages et d’au moins un dôme. « Ce devait être l’édifice le plus imposant de la ville, couvrant à l’époque 200 hectares », énonce Artur Obłuski, qui dirige les fouilles pour le compte du Centre polonais d’archéologie méditerranéenne de l’université de Varsovie (PCMAUW). Des murs peints datant des Xe et XIe siècles ont été retrouvés. Ils représentent des personnages alignés sur deux rangs. Ces fresques devaient atteindre trois mètres de haut. Elles pourraient être celles d’apôtres. Une équipe du département de conservation et de restauration de l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie, travaillant sous la supervision du professeur Krzysztof Chmielewski, tentera d’en restituer le motif très dégradé.
Les fouilles du site du vieux Dongola doivent se poursuivre jusqu’au début de l’année prochaine. Ce n’est qu’à la fin des travaux d’excavation qu’une date précise de construction de cette cathédrale pourra être avancée. « Il y a probablement d’autres peintures et inscriptions sous nos pieds », émet Artur Obłuski. Un bâtiment voisin ayant abrité des bains est également exploré par l’équipe polonaise. (lepoint.fr)