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Au BURKINA FASO, la colère monte au sein de la population face à la multiplication des attaques

Des marches sont organisées à travers le pays pour dénoncer « l’inaction » des autorités après le massacre de Solhan, début juin, qui a fait entre 130 et 160 morts.

 « La population vit asphyxiée, on est pris en étau entre les groupes armés, les milices d’autodéfense et les forces de sécurité. Beaucoup de villages ont été complètement vidés de leurs habitants et n’existent plus », rapporte Yahiya Hama Dicko.Burkina Faso : « On ne peut pas parler de réconciliation tant que des citoyens se sentent abandonnés »

Des pans entiers du territoire échappent désormais au contrôle de l’Etat. Dans le nord et l’est du pays, certains villages sont passés sous l’emprise des groupes djihadistes, qui y ont imposé la charia. Le sentiment d’abandon ne cesse de s’aggraver dans les zones touchées qui souffrent aussi du manque d’infrastructures, de services sociaux, d’emplois et d’investissements économiques. « On a l’impression de ne pas être aussi burkinabé que les autres, on se sent comme des citoyens de seconde zone », s’attriste cet étudiant.

« Nous sommes dans la souffrance »

A Titao aussi, dans le nord, l’exaspération grandit. « Des morts et des morts, on n’en veut plus », « non au délaissement de notre province », « on veut cultiver nos champs », pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants samedi. Les organisateurs exigent notamment le déploiement d’un détachement militaire dans la ville et l’équipement des « volontaires pour la défense de

la patrie » (VDP), les supplétifs civils recrutés par l’armée. Dans la région, de nombreux habitants ont décidé de prendre les armes pour défendre eux-mêmes leurs villages. « Beaucoup ont été tués, ils sont mal équipés et n’ont pas tous été formés. On alerte les forces de sécurité mais elles ne viennent pas », dénonce un porte-parole de la marche.Au Burkina Faso, soigner les blessures invisibles des victimes des violences

Dans une vidéo devenue virale, diffusée le 21 juin, un groupe de VDP de la province a même lancé un appel à l’aide aux autorités. « Nous sommes dans la souffrance, l’ennemi est plus fort que nous. (…) S’ils ont vendu notre patrie, ils n’ont qu’à le dire et nous allons nous retirer », menace leur chef, en langue moré, indiquant ne pas avoir reçu l’indemnité prévue par l’Etat en échange de leur engagement.

Du côté des forces de sécurité aussi, la grogne monte. Le 21 juin, onze policiers ont été tués dans une embuscade, alors qu’ils effectuaient une mission de relève dans le centre-nord du Burkina Faso. « Les hommes n’ont pas l’équipement adéquat, ils manquent d’armes, de munitions et de blindés, ils doivent prendre de gros risques quand ils se déplacent depuis la capitale, par la route », dénonce Siyalé Moussa Palm, le secrétaire général de l’Unapol, le syndicat de la police. De quoi affecter le moral des unités. Selon nos informations, lors des funérailles des policiers à Kaya, des collègues et des familles des victimes ont invectivé le ministre de la sécurité, Ousséni Compaoré, et tenté d’empêcher sa participation à la cérémonie.

Inquiétude des observateurs

En juin, une centaine de « terroristes » ont été neutralisés lors d’une opération conjointe entre les armées du Burkina Faso et du Niger, à la frontière des deux pays, selon un communiqué. Mais de telles annonces peinent à rassurer les populations, qui sont les premières victimes des violences.

Sur le terrain, les forces de sécurité restent complètement absentes de 30 % du territoire et tardent à intervenir, à cause des pistes difficiles d’accès et minées. Selon une source sécuritaire locale, les premières unités du détachement de Sebba, une petite ville chef-lieu de département située à 14 kilomètres de Solhan, ont mis près de sept heures à arriver sur les lieux du massacre, après l’alerte des habitants. « Pourquoi aucune sanction n’a été prise ? Comment expliquer que les assaillants soient revenus le lendemain ? Pourquoi aucune autorité n’est venue compter les morts ? », fustige Yahiya Hama Dicko, qui assure qu’« environ 200 » personnes ont été tuées cette nuit-là.Sahel : « Les militaires ne peuvent être une alternative aux problèmes politiques de nos pays »

Au Burkina Faso, le président, dans son discours, dimanche, était attendu au tournant. Comme d’autres ici, l’étudiant, se dit « déçu ». Lui souhaitait « des mesures fortes » et « un remaniement ». Lors d’une conférence de presse le 25 juin, l’opposition a exigé la démission du premier ministre et du ministre de la défense burkinabé. « Le gouvernement n’a pas de stratégie de lutte contre l’insécurité », dénonce le chef de l’opposition, Eddie Komboïgo. La colère et la défiance grandissante inquiètent certains observateurs. « Le risque d’un scénario malien est réel », souffle le journaliste et analyste Boureima Ouedraogo. (lemonde.fr)

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