En République démocratique du Congo, le gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde fête ses 100 jours ce mercredi. Il a été formé après la rupture de l’alliance que Félix Tshisekedi avait nouée avec son prédécesseur Joseph Kabila. Quel bilan d’étape en dresser ?
C’est le premier gouvernement de l’Union sacrée, la nouvelle majorité souhaitée par le président Félix Tshisekedi. Le chef de l’État congolais s’était plaint de l’accord signé avec son prédécesseur. Il accusait Joseph Kabila et sa coalition, le FCC, de bloquer ses réformes, notamment sur le plan des droits de l’homme.
Le gouvernement Sama Lukonde est surnommé « gouvernement des warriors », des guerriers. Quelques jours après sa désignation, l’état de siège était proclamé dans deux des provinces du pays, ce qui focalise l’attention des principaux ministères. Moins d’un mois après son investiture, c’est l’éruption du Nyiragongo qui vient perturber le programme du gouvernement. Au point de retarder son séminaire de formation de plusieurs semaines, le moment où certains de ses membres découvrent la gestion des affaires de l’État.
Une des réussites, c’est la signature en un temps record d’un accord avec le Fonds monétaire international qui doit ouvrir la voie à des réformes et au versement d’un milliard et demi de dollars sur trois ans. Le président Tshisekedi l’avait souhaité depuis son arrivée au pouvoir. Les réserves de change et la collecte des recettes se sont améliorées, mais pour ce qui de la réorientation des dépenses, aucune modification du budget n’a été adopté pour l’instant, ce qui rend moins lisible l’action de ce nouveau gouvernement. Cela pourrait intervenir d’ici septembre.
En tout cas, les attentes vis-à-vis de cette équipe restent énormes, en particulier sur le plan social, comme en témoignent les premières grèves auxquels elle fait face. Le tout alors que, à cause du processus de désignation des membres de la Céni, l’Union sacrée connait ses premières dissensions.
Des groupes armés difficiles à juguler
Sur le plan sécuritaire cette fois, parmi les priorités affichées lors de son discours de politique générale, le Premier ministre avait souligné l’urgence de la pacification du pays, en particulier à Beni, Butembo, en Ituri, et dans le Nord-Katanga. Il avait promis que son gouvernement mobiliserait tous les moyens requis pour éradiquer les groupes armés et mettre fin à cette crise sécuritaire. Après quelques mois d’embellie suite à son arrivée au pouvoir en janvier 2019, la situation s’est à nouveau dégradée.
Dès le lendemain de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, la violence avait repris de plus belle : trois attaques en une journée ce mardi-là. Militaires et civils étaient ciblés aux environs de Kanaima et près de Halungupa, dans le territoire de Beni.
L’état de siège décrété le 6 mai a permis à l’armée de reprendre quelques localités et de provoquer des redditions dans les rangs des combattants, mais sans programme de DDR efficace, leur prise en charge reste un défi.
Les autorités doivent également faire face à de nouvelles formes de violences. Beni-ville par exemple connaît désormais des attentats aux explosifs artisanaux.
De plus, selon l’ONU, les combattants ADF ont continué d’étendre leur zone d’action au-delà du secteur de Ruwenzori au Nord-Kivu, pour toucher les territoires de Mambasa et d’Irumu en Ituri.
La situation est tout aussi inquiétante dans les territoires de Lubero et de Masisi, où de nombreux groupes Maï-Maï contrôlent des zones où ils imposent entre autres des taxes illégales aux populations.
Les droits de l’homme à la peine
Les FARDC doivent aussi faire avec des cas de détournements de fonds destinés aux opérations militaires. Plus de vingt officiers ont été mis à la disposition de la justice militaire ces deux dernières semaines.
Face à ce tableau, des députés originaires du Nord-Kivu et de l’Ituri exigent une évaluation sans complaisance de l’état de siège, avant de procéder à une nouvelle prorogation de cette mesure.
Mais aujourd’hui, malgré des promesses renouvelées, selon Human Rights Watch, il y a toujours plus de paroles que d’actes.
On continue à noter les détentions arbitraires d’activistes ou d’acteurs politiques et, de manière plus large, des voix discordantes. Les agents des services de l’ANR sont utilisés pour les arrestations et les interrogatoires, leurs cachots aussi […] Les ex-combattants de groupes armés voulant se rendre ne sont pas pris en charge en l’absence d’un programme de désarmement […] Des réflexions sur des réformes ont été entamées, une volonté de remédier aux conditions carcérales par exemple, mais de manière globale, le concret se fait attendre. (rfi.fr)