Entre les expositions permanentes et celle temporaire de Freddy Tsimba, l’AfricaMuseum à Tervuren a pris le parti de raconter autrement l’histoire coloniale.
Quand vous arrivez à Bruxelles, ville frappante par son énergie et son esthétique gothique, et que vous cherchez Tervuren sur votre application de guidage, vous êtes tout de suite frappé par le temps qui vous est indiqué pour vous y rendre : une quarantaine de minutes. Un peu loin du centre donc ! En découvrant les lieux, on comprend qu’une attention particulière lui a été accordée au regard des facettes importantes d’Histoire que cette impressionnante bâtisse abrite.
Une bâtisse imposante à tous points de vue
Le bâtiment qui abrite le Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren, plus connu sous le nom de AfricaMuseum, impressionne par sa masse posée dans un espace hybride. Tout d’abord, un palais massif flanqué d’une monumentale coupole se dresse devant un impressionnant jardin avec son bassin. Ce palais, inauguré par Léopold II en 1897 pour accueillir la section coloniale de l’Exposition universelle avec son zoo humain, a été conçu comme un outil de propagande. Tout a été fait pour que le visiteur ressente l’impression de force physique, de supériorité de l’Europe sur l’Afrique.
De fait, il convient de louer l’idée de passer par une bâtisse moderne qui fait face et défie l’ancien palais pour accéder aux collections. L’élégant nouveau pavillon qui accueille la billetterie, la librairie et un restaurant, fait de verre et de métal, se pose comme l’expression d’une rupture avec la fonction initiale du palais néo-classique. Il met à distance l’affirmation de la toute-puissance de la Belgique sur le Congo et de la supériorité des Blancs sur les populations noires. Ce pavillon, à la fonction symbolique capitale, est relié au palais par une galerie souterraine qui conduit aux expositions permanentes.
Une succession d’expositions permanentes
Nous avons beau être blasé, on se frotte quand même les yeux au fur et à mesure qu’on progresse d’une exposition permanente à une autre. La première salle donne immédiatement le ton de la philosophie qui guide le parcours du visiteur et en quelques mots un cartel certifie la direction : « De 1908 à 1960, le musée était financé par le ministère des Colonies… Les statues présentées dans cette salle faisaient autrefois partie de l’exposition permanente… Elles témoignent des préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme dans notre société moderne. »
Donc, rien d’étonnant dans cette première salle isolée de voir la manière dont les artistes ont façonné les imaginaires infériorisant l’Africain avant la vague de décolonisation. En revanche, plus inhabituelle est la reconnaissance par une institution royale de l’essentialisation systématique des Congolais par l’État belge avant 1960.
Un voyage à travers le temps
Cela dit, il faut vite passer pour s’intéresser aux autres salles qui dévoilent un ensemble de pièces pour un voyage à travers le temps d’une formidable richesse. Le visiteur peut embrasser les histoires du Congo, du Rwanda et du Burundi dans le respect de leurs traditions, de leur diversité ethnique et culturelle, de leur place dans l’Histoire.
Le défi est de taille. Il s’agit de présenter l’histoire coloniale du point de vue des Africains. Cette approche factuelle garantit une compréhension de l’Afrique centrale dans un contexte en phase avec une réalité où se côtoient les périodes d’ombre et de lumière. Les objets exposés et les cartels explicatifs le rappellent de manière clinique. Ils proposent une relecture de l’Histoire pour la mettre au service d’un propos critique de la période. Certains signaleront l’ambivalence d’un regard qui n’a pas vraiment rompu avec son tropisme colonial.
D’autres salueront des avancées louables, mais pas suffisantes tant que les œuvres « volées » en Afrique ne seront pas restituées. Cependant, le visiteur reconnaîtra les efforts du musée à proposer une narration critique de la colonisation.
Il est préférable de prendre le temps et de laisser libre cours à votre curiosité dans le palais pour découvrir la RDC, le Rwanda et le Burundi dans leur dimension ancestrale, coloniale et postcoloniale. (lepoint.fr)