MAROC. Les islamistes modérés perdent le Parlement

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Le parti islamiste modéré à la tête du gouvernement du Maroc depuis une décennie a subi une spectaculaire déroute, au profit de partis libéraux considérés comme proches du palais royal, lors des élections législatives dans le royaume.

Le Parti de la justice et du développement (PJD) qui avait 125 sièges dans l’assemblée sortante n’en a obtenu que 12, selon le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, durant un point presse vers 3 heures du matin dans la nuit de mercredi à jeudi. 96 % des bulletins avaient été dépouillés.

Le Rassemblement national des indépendants (RNI) est en tête avec 97 sièges, devant le Parti authenticité et modernité (PAM), 82 sièges. Ce sont deux partis de tendance libérale. Le Parti de l’Istiqlal (centre-droit), est au coude-à-coude avec 78 députés. Le RNI, qui appartient à la coalition gouvernementale, est dirigé par Aziz Akhannouch, un homme d’affaires fortuné décrit comme proche du palais, ministre de l’Agriculture depuis 2007. Quant au PAM, principale formation de l’opposition, il a été fondé par l’actuel conseiller royal, Fouad Ali El Himma, en 2008, avant qu’il n’en démissionne en 2011.

Ce résultat est le fruit d’une réforme des règles de répartition des sièges à la Chambre des représentants, désormais calculée sur la base du nombre d’électeurs inscrits et non des votants. Seul le PJD s’était opposé à la réforme, persuadé d’être « lésé ». Mais après dix ans au pouvoir, et en l’absence de sondages ou de médias véritablement indépendants, les observateurs pensaient que le PJD allait réussir à se maintenir à un niveau élevé.

C’est la deuxième des surprises, après le taux de participation, qui s’est élevé à 50,35 % des inscrits, particulièrement dans le sud du pays, en forte progression par rapport aux 43 % obtenus lors des précédentes législatives de 2016. Cette année le renouvellement du Parlement était combiné aux élections locales, qui attirent généralement plus d’électeurs.

Mais le vainqueur des législatives n’aura qu’une faible marge de manœuvre. Dans le royaume chérifien, monarchie constitutionnelle, c’est le roi qui décide. Certes, Mohammed VI doit nommer un Premier ministre issu du parti arrivé en tête. Mais c’est lui qui choisit les principaux ministres, fixe l’agenda économique et donne les directions à suivre pour l’éducation, la santé, l’emploi et la protection sociale.

Si le pays touristique aux beautés évidentes fait rêver, sa croissance éclatante n’a pas bénéficié à tous. Les inégalités économiques et sociales y restent colossales et de nombreux habitants pauvres tentent de s’exiler, comme l’a montré la saignée de migrants au mois de mai, où des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants avaient profité d’une brèche pour s’engouffrer, sans aucun bagage, sur l’enclave espagnole de Ceuta, en une seule journée. (Le Parisien)