Le futur gouvernement alliant le SPD, les Verts et les libéraux a dévoilé, mercredi, son contrat de coalition.
Deux des trois partis qui vont gouverner l’Allemagne s’appuient sur des fondements idéologiques différents. Les Verts et le FDP, qui se partagent tous les deux un électorat jeune et libéral, ont néanmoins milité ensemble pour faire adopter par le futur gouvernement une proposition de légalisation du cannabis. Le projet figure en page 87 de leur contrat de coalition, présenté mercredi à Berlin, qui en compte 177. Il rompt avec des années de politique sécuritaire, privilégiée par la CDU, en matière de drogue. «Nous introduisons la distribution contrôlée de cannabis aux adultes à des fins récréatives dans les magasins agréés, ce qui permet de contrôler la qualité, d’empêcher la distribution de substances contaminées et de protéger la santé publique , écrivent les auteurs du document.
Sous le modeste slogan «oser plus de progrès» déployé dans une grande salle de la capitale allemande, il s’agit d’une des mesures les plus tapageuses préconisée par le SPD, Die Grünen et les libéraux du FDP, le tout dans une plateforme avare en surprises. À la tribune, s’étaient installés le futur chancelier social-démocrate Olaf Scholz, flanqué des cinq présidents et coprésidents de son parti et celui de ses partenaires, dont trois deviendront ministres. Les premiers rangs étaient occupés par les caciques des trois partis qui, à l’occasion, tentèrent des applaudissements discrets: derrière eux se trouvaient des journalistes pas forcément bienveillants et une épidémie de Covid-19 qui galope et les dépasse.Abaissement de la majorité électorale
«Le feu tricolore est là», a annoncé Olaf Scholz, après avoir expliqué en introduction que la situation sanitaire était «sérieuse» et que l’Allemagne «étudiait» une possible «extension» de l’obligation vaccinale aujourd’hui réservée à l’armée. Sous ce vocable de «feu tricolore» – première coalition de ce genre – se rangent les couleurs des trois formations appelées aux affaires. L’essentiel avait déjà fait l’objet d’un consensus à la mi-octobre, à savoir la sortie accélérée du charbon – en 2030 au lieu de 2038 – à laquelle s’ajoute un retour à la rigueur budgétaire dès 2023 ou un abaissement à 16 ans de l’âge de la majorité électorale.
«Il s’agit d’un gouvernement du centre», a théorisé le président du FDP, Christian Lindner, qui, au ministère des Finances, se veut le principal artisan de l’orthodoxie prochainement retrouvée. Dans ces conditions, aucun des trois partis n’a été capable d’expliquer comment et à quelle hauteur le prochain gouvernement financera le défi reconnu de la transition énergétique. «Nous pouvons répondre aux questions dans les années à venir», a éludé Olaf Scholz.
Pour sa part, la répartition des portefeuilles respecte soigneusement les équilibres politiques. Les deux grands ministères régaliens que sont la Défense et l’Intérieur tombent logiquement dans l’escarcelle du SPD. Les Verts, qui ont obtenu la seconde place en nombre de voix, décrochent les Affaires étrangères, confiées à la candidate malheureuse à l’élection et coprésidente du parti, Annalena Baerbock. Partisans d’une relance de l’intégration européenne, les Grünen obtiennent aussi le pouvoir de désigner le prochain commissaire allemand siégeant à la Commission européenne (aujourd’hui la présidente Ursula von der Leyen, de la CDU).Coloration industrielle
Ils héritent surtout du ministère de l’Environnement, qui, symbole de leur combat, chapeautera également l’Économie, ainsi que du poste stratégique de l’Agriculture, auquel la CDU a longtemps donné une coloration industrielle. Mardi, les Verts ont promis «plus d’agriculture écologique et une réduction de l’usage des pesticides».
En revanche, ils laissent les transports, autre secteur clé de la transition écologique, entre les mains du parti libéral FDP. Or ce dernier ne partage pas les idées vertes de l’urgence climatique. Son président, Christian Lindner, devrait être nommé ministre des Finances, notamment chargé de financer les investissements futurs dans les énergies renouvelables, tout en prêchant pour la stabilité budgétaire et le retour à l’endettement minimum.
Le FDP s’était notamment opposé au plan de relance franco-allemand post-Covid, instaurant une mutualisation des dettes. Les conservateurs obtiennent également la justice.
Au sommet du gouvernement, Olaf Scholz sera un «chancelier fort», a déclaré Christian Lindner, une prédiction ou un serment d’allégeance dont l’expression publique a semblé étonner les Verts. Ces derniers avaient plusieurs fois fait état de leur mécontentement lors des négociations. Le successeur d’Angela Merkel sera élu au Bundestag entre le 6 et le 8 décembre, après seulement trois mois de pourparlers, dont la rapidité aura défié les attentes. (Le Figaro)