« Si on te viole, c’est que tu l’as cherché. » C’est ce qu’a déclaré le 18 novembre Amina Badiane, présidente du concours de beauté Miss Sénégal alors que Ndèye Fatima Dione, la gagnante de l’édition 2020, a assuré quelques jours plus tôt avoir été violée la même année lors d’un voyage organisé par le comité. « Elle est majeure. Elle n’a qu’à porter plainte. Un viol implique deux personnes », avait même ajouté la présidente alors que l’ancienne Miss s’était retrouvée enceinte à la suite de cette agression sexuelle.
Des propos qui ont choqué la population sénégalaise et poussé les associations féministes, qui dénoncent l’« apologie du viol », à lancer une pétition et porter plainte, ce mercredi 24 novembre, contre Amina Badiane.
L’apologie du viol
Face au tollé suscité par ses propos, Amina Badiane s’est, dès le lendemain, excusée. Mais la vague de réaction suscitée par ses déclarations a libéré la parole. Il n’en fallait pas plus pour enflammer les réseaux sociaux, où les hashtags #JusticepourFatima et les témoignages se sont alors multipliés.Le concours Miss France est-il obsolète ?
Plusieurs candidates du concours de beauté ont elles aussi raconté dans les médias des pratiques malsaines au sein du comité d’organisation.
« Avant même que la compétition commence, l’animateur m’a invitée à dîner un soir. Il a commencé à me toucher et je n’ai pas accepté », raconte au « Monde » une ancienne Miss, quatre ans après les faits, sous couvert d’anonymat. Elle assure que les Miss acceptant les avances étaient valorisées lors du concours.
Faire monter la pression
De son côté, la plate-forme Ladies Club Sénégal a lancé une pétition pour exiger la dissolution du comité et déposé, avec d’autres associations ce mercredi, plusieurs plaintes contre la présidente. La pétition, adressée aux ministères de la Culture et de la Femme, doit aussi être envoyée aux comités internationaux comme Miss Univers ou Miss Monde pour faire monter la pression.
« Les propos de Mme Badiane reviennent à balayer d’un revers de main tout le travail que nous avons fait pour que soit votée la loi qui criminalise le viol depuis janvier 2020 », s’indigne Saly Diakhaté, l’une des administratrices du groupe, qui espère que la justice sera saisie pour enquêter sur les coulisses du concours Miss Sénégal.
Le 19 novembre, la société CFAO Motors Sénégal a annoncé mettre un terme au partenariat noué avec le comité et récupérer ses véhicules. « CFAO Motors Sénégal condamne fermement les propos tenus par la présidente du comité Miss Sénégal. Ces propos vont à l’encontre de nos valeurs », assure l’entreprise dans un communiqué.
Depuis, plusieurs militants se sont exprimés pour demander des comptes aux autres sponsors du comité, dont font partie le ministère de la Culture et celui de la Santé.
« Nourrir la culture du viol »
« Des propos comme ceux-là sont tenus tous les jours au Sénégal […] y compris dans la bouche des professionnels censés prendre en charge les victimes, forces de l’ordre et agents des services de santé en tête », rapporte Jerry Azilinon, administrateur du mouvement Doyna luttant contre les violences faites aux femmes, auprès de « Jeune Afrique ».
Pour le militant, « ils sont majoritairement peu formés sur ces questions, ont tendance à mettre le blâme sur la victime, à faire des remarques ironiques… Cela contribue grandement à banaliser les violences et à nourrir la culture du viol ».
Pour le moment, d’après la presse sénégalaise, Ndèye Fatima Dione n’a pas porté plainte et n’a pas non plus pris la parole concernant les réactions et les retombées de cette affaire. (L’Obs)