La situation se tend au Burkina Faso où la population déplore l’inaction du pouvoir face au terrorisme. Ce samedi, plusieurs centaines de manifestants ont été dispersées dans la capitale Ouagadougou après quoi des barricades ont été montées dans plusieurs quartiers de la ville, créant des affrontements entre la population et les forces de l’ordre. Au moins un enfant a été blessé. Pourquoi la population manifeste ? Cela fait déjà plusieurs semaines qu’une révolte bruisse au Burkina Faso. Les manifestants déplorent une certaine « incapacité » du pouvoir de lutter contre les attaques djihadistes.
Depuis plusieurs semaines, les attentats se sont multipliés dans ce pays voisin de la Côte d’Ivoire. De mai à août, avait pointé en septembre le Conseil norvégien pour les réfugiés, 480 personnes avaient été tuées au Burkina Faso dans ces attaques. Depuis avril, poursuivait l’organisation non gouvernementale (ONG), c’est 55 000 personnes par mois qui étaient contraintes de fuir leur domicile pour fuir la violence… Le 14 novembre, 57 personnes – dont 53 gendarmes – étaient décédées lors d’une attaque d’un détachement de gendarmerie à Inata (nord) qui avait auparavant appelé à l’aide – l’une des plus meurtrières contre les forces de sécurité en six ans. Cette énième attaque a été une goutte d’eau pour la population estimant que l’État ne mettait pas assez de moyens pour vaincre le terrorisme. « Quand on constate que les enfants se sacrifient pour la nation et que derrière il n’y a pas d’accompagnement conséquent, vraiment ça fait mal au cœur », a déploré en début de semaine auprès de RFI Issa Santi, un ami et voisin d’un gendarme policier. « Après sept ans d’incapacité face aux attaques terroristes qui nous endeuillent chaque jour, il est temps de demander le départ du régime », a confié auprès de l’AFP Fabrice Sawadogo, 28 ans.
Comme des centaines d’autres personnes, il a tenté de manifester ce samedi à Ouagadougou. « Nous n’avons pas à négocier avec un gouvernement incompétent qui doit admettre qu’il a échoué », a-t-il ajouté. D’autres manifestations avaient lieu ce samedi ailleurs dans le pays, en particulier à Bobo Dioulasso et à Kaya. La Coalition du 27 novembre, regroupant trois organisations de la société civile, avait appelé « l’ensemble des Burkinabè à sortir massivement » samedi « dans une ambiance pacifique, pour dénoncer l’insécurité grandissante et exiger le départ du chef de l’État », Roch Marc Christian Kaboré. Comment sont perçues les manifestations ? Le pouvoir en place n’apprécie que très peu les manifestations. Celle organisée samedi à Ouagadougou a été dispersée par des policiers anti-émeutes à l’aide de gaz lacrymogène pour empêcher les manifestants de se rassembler place de la Nation. Le centre de la capitale burkinabè avait été quadrillé par un important dispositif de sécurité. Tous les commerces étaient fermés, a aussi pu observer un journaliste de l’AFP.
Après cette dispersion musclée, des jeunes ont dressé des barricades de fortune et brûlé des pneus dans plusieurs quartiers de la capitale. Des manifestants ont également vandalisé une partie de la direction de l’état civil, après avoir tenté d’incendier le bâtiment de la mairie de Ouagadougou, dont le maire avait interdit les manifestations. « On était sortis pour une marche pacifique, mais la réaction des forces de l’ordre a mis le feu aux poudres, nous obligeant à ériger des barricades », a déclaré un des manifestants, ajoutant : « On ne veut pas brûler le pays qui est déjà en guerre, mais face à la barbarie, on va se défendre. »
Au cours de ces violences, un enfant de moins de 10 ans a été blessé par des tirs de gaz lacrymogène et remis par les manifestants à une unité anti-émeute de la gendarmerie. Deux journalistes burkinabè ont également été blessés lors de tirs de gaz lacrymogène, ont annoncé leurs médias, la radio privée Omega et le site en ligne Filinfos, sans qu’on sache la gravité de leurs blessures. Un porte-parole de la « Coalition du 27 novembre », Hervé Ouattara, a évoqué « énormément de blessés », dont « deux sont dans le coma », ce qui n’a pas pu être confirmé de source indépendante. Dans une déclaration à la télévision nationale, le ministre de la Sécurité Maxime Koné a dit qu’il y avait eu « un certain nombre de blessés » parmi les forces de sécurité, mais il a indiqué ne pas encore avoir de bilan des victimes dans les deux camps. Le gouvernement a « décidé de prolonger la suspension de l’Internet mobile pour une durée de 96 heures à compter de mercredi », sur l’ensemble du territoire national, après une précédente interruption de quatre jours pour « raison de sécurité ». « Nous devons mettre fin aux dysfonctionnements inacceptables qui sapent le moral de nos troupes combattantes et entravent leur efficacité dans la lutte contre les groupes armés terroristes », a déclaré jeudi soir le président Kaboré, des paroles souvent répétées qui ne convainquent plus dans le pays. Et le convoi français bloqué ? C’est dans ce contexte qu’un convoi de militaires français, en route pour le Mali, a été bloqué pendant près d’une semaine par des manifestants, accusant l’armée française de fournir les djihadistes en armes. A son entrée en territoire burkinabè la semaine dernière, il avait d’abord été ralenti dans sa progression par des manifestants à Bobo Dioulasso (sud-ouest), puis dans la capitale Ouagadougou (centre). Mais c’est il y a une semaine à Kaya, à une centaine de km au nord-est de Ouagadougou, que les manifestants se sont le plus mobilisés contre son passage. Quatre d’entre eux avaient été blessés par balle dans des circonstances indéterminées. Le convoi a finalement pu repartir jeudi soir « sous escorte de gendarmes burkinabè », avait indiqué le porte-parole de l’état-major français, le colonel Pascal Lanni. Arrivé au Niger, le convoi a toutefois une nouvelle fois été pris à partie par des manifestants à Téra, dans l’ouest nigérien. Selon le maire de la commune, les heurts autour du convoi auraient fait trois morts. (Afp)