lundi, novembre 18, 2024
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CENTRAFRIQUE. La filière de l’arachide freinée par le conflit

Le dos courbé sous une forte chaleur, Marissa sépare des graines d’arachide de leurs coques. Dans le nord-ouest de la Centrafrique, la culture du légumineux représente un débouché pour la population mais les combats entre rebelles et forces progouvernementales freinent le développement de la filière.

Marissa, recouverte de poussière et le regard las à force de répéter les mêmes gestes, remplit des sacs de cacahuètes à Paoua, une ville située à 500 km au nord-ouest de la capitale Bangui.

Comme la majorité des habitants de la localité, la jeune femme dépend pour survivre de la culture de l’arachide, mais les attaques régulières des groupes armés – notamment celles des 3R (Retour, Réclamation, Réhabilitation), un des plus puissants – ont empêché d’exporter la marchandise.

« Il y a trop de menaces et de vols », se plaint Célestine Inforo, une cultivatrice de 33 ans. « On a dû vendre la production très vite et à bas prix ». Dans la banlieue de Paoua, la cultivatrice, entourée d’une dizaine de personnes, enlève les coques des arachides. Les graines, posées dans des bassines, sont jetées en l’air pour retirer la fine pellicule qui l’entoure.

En quelques heures, Célestine Inforo a rempli plusieurs sacs. Un attelage de deux boeufs emmène la production dans un espace sécurisé de stockage prêté par Oxfam, une ONG qui soutient la filière dans cette région.

« Coupeurs de route »

Devant le hangar, chaque sac est pesé. Leur poids varie entre 35 et 45 kg. Dans la ville, ils sont vendus environ 10.000 francs CFA, autour de 15 euros, bien loin des prix pratiqués à Bangui.

« Dans la capitale, les prix tournent entre 20.000 et 30.000 francs CFA » pour un sac d’arachides décortiquées, affirme Jean-Paul Ndopaye, président de l’Union des riziculteurs de Paoua, qui englobe aussi les producteurs locaux d’arachides.

« Nous avons le stock, mais vendre à Bangui, c’est s’exposer aux coupeurs de route », poursuit-il.

La production dépasse largement la demande dans la région, ce qui entraîne une chute des prix. Une situation dramatique dans une ville de quelque 47.000 habitants alors que « 80 % de la population de Paoua a une activité en lien avec l’arachide », avance Noël Zingani, chef du bureau Oxfam. Les prix bas touchent toute la filière à Paoua. Marissa gagne à peine 250 francs CFA, moins de 40 centimes d’euro, pour chaque sac qu’elle remplit.

Depuis plusieurs mois, les groupes armés qui sévissent en Centrafrique, repoussés des grandes agglomérations, ont recours à des techniques de guérilla et posent des engins explosifs le long des axes routiers pour retarder l’avancée des forces progouvernementales.

La Centrafrique est un des pays les plus pauvres au monde, en proie à une guerre civile depuis 2013 qui a toutefois baissé d’intensité ces dernières années. Le conflit s’est toutefois ravivé lors de la dernière élection présidentielle il y a un an.

Dans l’Ouham-Pendé, dont Paoua est la préfecture, le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que la malnutrition qui frappe cette région est sans précédent : « 61 % de la population est en phase 3 de crise et en phase 4 d’urgence alimentaire », selon Mahoua Coulibaly, responsable local de l’agence onusienne.

Transformation

Sous une chaleur écrasante, Marie torréfie des arachides. Pendant une heure, elle remue les graines tout en prenant soin de ne pas se brûler. Dans la cour de cette concession abritée par un manguier, trois femmes transforment chaque jour l’arachide en huile, en pâte et en « kuli-kuli », des bâtonnets à haute teneur nutritive, grâce aux protéines et fibres du légumineux.

Léna, agenouillée au côté de Marie, malaxe la pâte d’arachide sur une planche en bois. « Extraire de l’huile avec cette méthode est physiquement épuisant, cela peut prendre des heures », explique Moussa Issoufou, responsable de la sécurité alimentaire d’Oxfam. « Il faut trouver du matériel moderne pour faciliter leur travail », poursuit-il, estimant que c’est le seul moyen pour ces femmes de vendre plus cher les produits.

« Ce qui pose problème, c’est la transformation, c’est ce dans quoi il faut investir pour le bien-être de la population mais pour l’instant les fonds manquent », déplore M. Coulibaly. (lepoint.fr)

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