De nombreux instructeurs russes ont été déployés au Mali ces dernières semaines, notamment sur la base de Tombouctou (nord) récemment quittée par les forces françaises, ont indiqué des responsables militaires maliens, en pleine querelle avec les partenaires internationaux sur le déploiement d’un groupe de mercenaires russe.
Un de ces responsables a répondu par l’affirmative à la possibilité que ces instructeurs soient désormais au nombre d’environ 400 à travers le pays.
Des militaires russes étaient déjà présents dans le pays par exemple pour assurer la maintenance d’équipements, mais ils étaient peu visibles en tant que tels.
L’arrivée assumée d’un certain nombre d’instructeurs russes conforte le soupçon largement partagé du recours par les autorités maliennes, malgré leurs dénégations, aux services du sulfureux groupe paramilitaire Wagner. Cette suspicion est nourrie par les lignes réputées floues entre Wagner et Moscou.
Un responsable sécuritaire occidental, un diplomate africain en poste à Bamako et un élu local ont fait état auprès de l’AFP de la présence de mercenaires russes, sous le couvert de l’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet.
Une quinzaine de partenaires occidentaux du Mali, pays plongé dans une profonde crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012, ont déjà rapporté fin décembre que Wagner avait commencé à se déployer, avec le soutien de Moscou selon eux.
Les autorités maliennes issues du double putsch d’août 2020 et mai 2021 ont jusqu’alors démenti non seulement un tel déploiement, mais la conclusion d’un accord, et invoquent la présence de formateurs russes au même titre que de formateurs européens.
Le renforcement apparent de la coopération avec la Russie coïncide avec la reconfiguration du dispositif français et la réduction programmée de la force antijihadiste Barkhane, appelée à passer d’environ 5.000 militaires au Sahel à l’été 2021 à environ 3.000 à l’été 2022.
Barkhane a récemment rétrocédé aux Maliens trois bases dans le nord, la dernière en date à Tombouctou mi-décembre.
Des instructeurs russes sont récemment arrivés à Tombouctou pour accompagner la livraison d’hélicoptères russes, a indiqué un responsable malien.
– Russes et non-Russes –
Un autre responsable malien, également sous le couvert de l’anonymat, a confirmé la présence « d’instructeurs militaires russes dans plusieurs parties du Mali ».
« Vous parlez de mercenaires, C’est votre affaire. Pour nous, se sont des instructeurs russes », a dit le premier responsable.
Un responsable sécuritaire occidental a parlé de « quelques centaines de mercenaires russes de la société Wagner déployés sur le territoire malien entre le centre et le nord ».
Il a fait état de deux incidents récents suscités par cette présence: les blessures d’un membre de Wagner, selon lui, touché par l’explosion d’une mine dans le centre du pays en début de semaine; et la protestation, quasiment inédite de la part des autorités maliennes, contre le survol du camp militaire de Sofara (centre) par un appareil de la force de l’ONU au Mali (Minusma).
Aucune réaction officielle n’a été obtenue côté russe. Le Kremlin assure que Wagner est une société privée avec laquelle il n’a rien à voir.
Un des responsables maliens a confirmé que la Minusma avait été saisie « pour demander avec fermeté que ses avions ne survolent plus notre camp militaire de Sofara. « Si cela ça se répète, nous prendrons nos responsabilités », a-t-il dit.
Interrogé sur l’incident dans lequel un Russe aurait été blessé, le porte-parole de l’état-major français, le colonel Pascal Ianni, a indiqué ne pas pouvoir le commenter. « Nous sommes dans des compartiments de terrain complètement distincts, donc la force Barkhane n’a pas été impliquée dans cet incident, si tant est qu’il ait bien eu lieu », a-t-il déclaré devant la presse.
Mais un influent élu d’une localité du centre du Mali a assuré que « des engins explosifs ont blessé, et même peut-être tué des mercenaires russes ».
« Je suis sur le terrain. Il y a des instructeurs russes et des mercenaires », russes ou non-russes travaillant pour eux, a-t-il dit.
Un haut diplomate français a indiqué vendredi que les dimensions et l’impact des activités de Wagner étaient en cours d’évaluation. Ce déploiement reste « inacceptable » parce que « cela crée un nouveau risque sécuritaire », a-t-il dit, sans pour autant entraîner automatiquement un retrait français.
La junte, « illégitime », fait appel à Wagner « pour se sauver elle-même », dit-il. (rfi.fr)