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MALI, GUINEE, BURKINA FASO… la tentation du coup d’État en AFRIQUE de l’Ouest

Depuis le coup d’État au Mali en août 2020, deux autres pays d’Afrique de l’Ouest, la Guinée et le Burkina Faso, sont tombés aux mains des militaires, malgré les condamnations et sanctions par les organisations régionales. Comment expliquer ce phénomène de contagion ? Décryptage. 

Des militaires décidés assumer leurs « responsabilités devant l’histoire ». Lundi 24 janvier, après une journée d’incertitudes laissant place à de nombreuses rumeurs, un groupe d’officiers du Burkina Faso a confirmé avoir « mis fin au pouvoir » du président Roch Marc Christian Kaboré lors d’une allocution à la télévision nationale. 

Rassemblés sous la bannière du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), ces derniers ont affirmé agir au nom de la souveraineté nationale pour répondre à « l’exaspération des différentes couches sociales de la nation » face à un dirigeant incapable de mettre fin à « la dégradation continue de la situation sécuritaire ». 

Après les récents coups d’État au Mali et en Guinée, le putsch des soldats burkinabè renforce encore l’emprise des pouvoirs militaires dans la région. Une situation inquiétante pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui, malgré les condamnations et les sanctions, semble bien impuissante à enrayer ce phénomène. 

Des États fragilisés par la crise sécuritaire 

Ces coups d’État interviennent alors que la région connaît une importante dégradation du contexte sécuritaire : concentrés un temps dans le nord du Mali, les groupes jihadistes ont étendu ces dernières années leur présence vers le centre, dans la zone dite « des trois frontières » (Mali, Burkina Faso, Niger), multipliant les attaques contre les symboles des institutions mais aussi contre des civils. 

« Cette détérioration de la situation a considérablement affaibli les États et révélé les manques criant de l’administration, notamment en matière de justice et de protection des populations » souligne Alioune Tine, fondateur du centre de réflexion Afrikajom Center, qui travaille sur les questions de démocratie et de sécurité, contacté par France 24. « Au Mali comme au Burkina Faso, les crises politiques qui ont conduit aux coups d’État découlent en grande partie de la question sécuritaire. Ce problème dépasse de loin les pays des trois frontières : il inquiète et fragilise toute la région ». 

Mal gouvernance et autoritarisme 

Autre grief majeur de la population vis-à-vis de ses dirigeants, la mal gouvernance. Au Mali, ce sont des élections législatives aux résultats contestés qui ont entraîné en 2020 la chute du président Ibrahim Boubacar Keita, déjà accusé de favoriser son entourage pour l’obtention de postes et de contrats. 

En Guinée, l’autoritarisme d’Alpha Condé qui emprisonnait ses opposants et avait asservi l’armée a, là encore, suscité un fort ressentiment parmi la population, qui a permis aux soldats d’agir. Enfin, au Burkina Faso, le manque criant d’équipements et même de provisions mis à la disposition du détachement de gendarmerie d’Inata, massacré par des jihadistes en novembre dernier, a considérablement terni l’image du président et encore renforcé l’animosité des militaires à son égard. 

« Les problèmes sécuritaires et le manque de probité des dirigeants constituent un terreau fertile pour les coups d’États », analyse pour France 24 Aly Tounkara, sociologue malien et directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S). « Les putschistes en sont bien conscients et instrumentalisent ces questions pour se légitimer auprès du peuple. Ils mettent en avant les échecs politiques, mais ne parlent jamais de leur responsabilité dans ces déconvenues. Or, dans nos pays, l’armée joue un rôle politique important et plusieurs hauts gradés sont eux mêmes accusés d’avoir détourné de l’argent destiné à du matériel militaire ». 

Des partenaires internationaux en perte de vitesse 

Malgré les accusations de corruption et d’exactions qui pèsent sur l’armée, la junte malienne est parvenue à fédérer une partie importante des citoyens autour de la défense de la souveraineté et le rejet de l’ingérence internationale. 

« Les récents évènements au Mali ont considérablement nui à la crédibilité de la Cédéao et à ce titre constituent un tournant » affirme Alioune Tine. « Avant le putsch, les chefs d’États ouest-africains avaient entrepris une mission de médiation qui a échoué. Depuis, ils multiplient les sanctions pour contraindre les militaires à organiser des élections mais leur incapacité à prévenir les crises politiques fait l’objet de nombreuses critiques. La légitimité même de certains de ses membres est remise en question. C’est le cas pour le Togo, qui n’a jamais connu d’alternance démocratique, de la Côte d’Ivoire, où le président Alassane Ouattara s’est octroyé un troisième mandat, ou bien encore du Bénin, où l’opposition est férocement réprimée ». 

Accusée d’adopter un ton ferme face aux putschistes mais de fermer les yeux sur les dérives autocratiques des dirigeants élus, la Cédéao semble avoir perdu la bataille de l’opinion. La France, déjà très critiquée sur le plan militaire, fait l’objet des mêmes reproches, notamment pour son soutien au Tchad, principale force armée du G5 Sahel, où, en avril dernier, Mahamat Idriss Déby a succédé à son père en violation des règles constitutionnelles. 

« C’est une transition dynastique qui s’est faite en douceur et a été moins médiatisée mais dans les faits il s’agit bien d’un coup d’État » dénonce Alioune Tine. « Le soutien de la France a exposé l’incohérence de sa politique. Cet épisode a rendu les militaires maliens plus audacieux et contribué à ce qu’on pourrait qualifier aujourd’hui d’effet domino dans la région ». 

Un phénomène de contagion inéluctable ? 

La chute du président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, n’est pas une surprise, tant son conflit ouvert avec l’armée avait rendu sa position intenable. Interviewé sur France 24 Antoine Glaser, journaliste et écrivain spécialiste de l’Afrique, insiste sur le contexte bien particulier des évènements ayant conduit au putsch : « Il y avait déjà eu plusieurs mutineries, un certain nombre de militaires avaient été arrêtés récemment. (…) La situation est complètement différente de celle du Mali où c’est un soulèvement populaire qui a amené les militaires au pouvoir ». 

« Certes le terreau était favorable au Burkina Faso mais le phénomène d’entraînement parti du Mali est indéniable » juge pour sa part Alioune Tine. « Au Mali, en Guinée comme au Burkina Faso, le modus operandi est le même : les forces spéciales arrêtent le président, le contraignent à signer sa démission avant de saisir la radio publique où ils décrètent un couvre-feu et la fermeture des frontières. Il convient de rappeler que ces coups d’États interviennent aujourd’hui dans des pays qu’on pourrait qualifier de récidivistes, déjà habitués aux putschs militaires, et il y en beaucoup d’autres dans la région ». 

Mardi, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Ouagadougou, à l’appel des militaires burkinabè. Comme lors des manifestations au Mali, certains arboraient des pancartes hostiles à la Cédéao et à la France ainsi que des drapeaux russes. « Ce type de mobilisations pousse partout en Afrique de l’Ouest et inquiète les dirigeants ; l’impopularité de la Cédéao est devenue une arme pour les militaires qui souhaitent prendre le pouvoir » souligne Aly Tounkara. « Deux membres de l’organisation, le Niger et la Côte d’Ivoire, sont particulièrement à risque, du fait notamment de leur lien avec la France. Aujourd’hui la question n’est plus de savoir si un phénomène de contagion existe mais quel pays sera le prochain à tomber aux mains des militaires ». 

Engagée dans un bras de fer avec le Mali et la Guinée pour contraindre les autorités à organiser au plus vite des élections, l’organisation ouest africaine n’est pas jusqu’ici parvenue à obtenir d’avancées concrètes. Mardi, la Cédéao s’est fendue de son habituel communiqué « condamnant fermement » le coup d’État au Burkina Faso et dénonçant un « recul démocratique majeur ». Elle a annoncé la tenue d’un sommet virtuel vendredi, au cours duquel seront envisagées des sanctions à l’encontre des nouveaux dirigeants du pays. (france24)

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