Accueil AFRIQUE La FRANCE au MALI. Le grand ensablement

La FRANCE au MALI. Le grand ensablement

0

Dans le jeu de tensions et de pressions qu’exerce la Russie sur l’ordre du monde avec la crise ukrainienne, on entendait jusqu’ici peu les voix de l’Europe et singulièrement de la France. La faute au face-à-face exclusif que Vladimir Poutine aime mettre en scène avec les Etats-Unis et aux difficultés de l’UE à parler à l’unisson face à une situation complexe, engageant différemment les partenaires européens. A cet égard, il faut saluer les efforts de la France et de l’Allemagne pour revenir dans le concert des nations : les images d’Emmanuel Macron en visite chez Vladimir Poutine à Moscou pour favoriser la désescalade, puis à Kiev pour assurer l’Ukraine du soutien des Européens, sont bienvenues. Il faut dire qu’elles ont le mérite de polir l’image d’homme d’Etat du président quasi-candidat et de détourner le regard de l’opinion française de l’autre sujet international brûlant pour l’Elysée : la situation plus que complexe de la France au Sahel, près de dix ans après l’engagement de ses forces pour contenir la menace djihadiste au Mali.« Les mêmes erreurs qu’en Afghanistan » : la France dans le piège malien

Ces derniers jours, après une nouvelle attaque terroriste qui a fait un mort parmi les soldats français – portant à 53 le nombre de militaires tués depuis le début des opérations en 2013 – et le renvoi brutal de l’ambassadeur de France basé à Bamako par la junte désormais en place au Mali, le Premier ministre Jean Castex s’est résolu à promettre l’ouverture d’un débat au Parlement, admettant la « situation extrêmement préoccupante » du contingent français au Sahel. Ce débat permettra, on l’espère, de sortir du cénacle des spécialistes pour éclairer la question de la présence française comme elle l’est : soit un sujet d’intérêt général, à l’heure du regain du terrorisme dans la région subsaharienne et de la recomposition des intérêts diplomatiques mondiaux.

Mali, Ukraine : le crash-test de l’Union européenne

Des bonnes intentions du début de l’opération il y a neuf ans, lancée pour contenir la progression djihadiste et empêcher le Mali de devenir une terre islamiste, et de ses succès militaires, la France est passée à une quasi-impasse, où aucune solution tranchée (partir ou rester) n’est évidente et satisfaisante. Alors que l’intervention avait été saluée par les Maliens à ses débuts, les désillusions se sont accumulées au fil des années jusqu’à l’ensablement progressif de l’opération. Le constat des derniers mois est inquiétant : les islamistes, profitant d’un Etat malien failli, ont étendu leur hydre dans le Sahel ; les coups d’Etat se sont succédé dans les pays de la région, loin de tout processus démocratique. La Russie a su tirer les marrons du feu, en installant sa milice paramilitaire Wagner pour mieux narguer les Occidentaux. La France est désormais conspuée par la société civile malienne, renvoyée à son statut d’ancien colonisateur, perçue comme une force d’occupation à la légitimité de plus en plus contestée.Les mercenaires du groupe Wagner, ce faux-nez de la Russie à la manoeuvre en Algérie et au Mali

Comme « l’Obs » l’explique au travers de notre dossier fouillé, un retrait progressif des forces françaises est sans doute inéluctable, mais il ne peut se faire à n’importe quel prix. Il faut se garder des réponses faciles et l’opposition est bien mal fondée à donner des leçons : des coups de menton de la droite et de l’extrême droite, qui veulent renforcer la présence française sans rien céder au terrain, à ceux qui voudraient débarrasser le plancher en se lavant les mains des suites de l’opération, à l’exemple des Etats-Unis qui ont quitté Kaboul précipitamment à l’été 2021 en laissant le champ libre aux talibans. Bien que le Mali ne soit pas l’Afghanistan, l’enlisement de l’opération Barkhane vient une fois de plus prouver que l’ingérence internationale est condamnée au rejet quand elle n’est pas soutenue par une volonté démocratique interne aux pays concernés. A l’heure où les démocraties s’affaiblissent face aux régimes autoritaires, l’engagement français au Sahel doit donc pouvoir être débattu, ouvertement, pendant la campagne électorale. Lucidement, les yeux ouverts, en pesant le poids de l’engagement français et sans céder aux nostalgies d’un autre âge. (L’Obs)

AUCUN COMMENTAIRE

Quitter la version mobile