dimanche, novembre 24, 2024
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AF-SUD. Les héritiers de Nelson Mandela se disputent son patrimoine

Un projet de vente aux enchères d’objets emblématiques de l’ancien président a créé la zizanie entre plusieurs membres de sa famille.

Alors qu’on croyait les disputes de la famille de Nelson Mandela en sommeil, un nouveau scandale déchire les héritiers de l’ancien président sud-africain. Neuf ans après sa mort, les dissensions menacent la préservation de la mémoire de l’icône de la lutte contre l’apartheid, au point d’avoir poussé l’agence chargée de la défense du patrimoine sud-africain à jouer les médiateurs afin de sanctuariser ce qu’elle considère comme un « héritage national ».

L’histoire commence avec un projet de vente aux enchères. Fin 2021, la maison new-yorkaise Guernsey’s annonce une vente « sans précédent » d’objets historiques liés à la vie de Nelson Mandela. Parmi eux, la clé de la cellule de prison de Robben Island, où l’ancien président sud-africain a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention. Des objets offerts par les anciens présidents américains Barack Obama ou George W. Bush, des dessins de la main de Nelson Mandela ainsi qu’une Constitution de l’Afrique du Sud signée par l’ancien chef d’Etat figurent également au catalogue.

La majorité des objets ont été confiés à la maison de ventes par la fille aînée de Nelson Mandela, Makaziwe Mandela-Amuah. C’est également elle qui a convaincu l’ancien garde de Nelson Mandela devenu son ami, Christo Brand, de mettre en vente la clé de la cellule de Robben Island pour la bonne cause : officiellement, l’opération est destinée à financer un jardin à la mémoire de l’ancien président, près du village où il est enterré.Scandale en Afrique du Sud après la mise en vente d’une nuit dans la cellule de Mandela

« Ces objets sont volés »

Sauf que la vente, prévue le 28 janvier, n’a jamais eu lieu. Fin décembre 2021, le ministre de la culture sud-africain, Nathi Mthethwa, somme la maison de ventes d’annuler les enchères. Informé du projet par un article du tabloïd britannique Daily Mail, il juge « inimaginable que Guernsey’s, qui est au courant de l’histoire douloureuse [du] pays et de la symbolique associée à cette clé, envisage de la mettre aux enchères sans avoir consulté le gouvernement sud-africain ». Dix jours plus tard, victoire : le ministère annonce que l’ensemble de la vente est suspendu et que la clé sera retournée à l’Afrique du Sud. Fin de l’histoire ? Pas vraiment.

En coulisses, on apprend que les proches de Nelson Mandela tentaient de faire annuler l’événement depuis le mois d’octobre 2021. Plusieurs membres de la famille accusent Makaziwe Mandela-Amuah d’avoir volé certains objets dans la dernière demeure de l’ancien président, à Johannesburg. Ndaba Mandela, l’un des petits-fils de Nelson Mandela, qui jouit de l’usufruit de la maison, explique avoir trouvé les lieux « vides » au retour d’un voyage, en avril 2021. L’un de ses frères, présent au moment des faits, raconte, dans une plainte pour vol, avoir tenté de s’opposer à sa tante, sans succès.

« Elle a tout pris, les canapés, les tapis, les peintures, les rideaux, le lit de mon grand-père, ses habits, ses chaises, ses lampes… tout », se désole Ndaba Mandela. Quelques mois plus tard, alerté par un ami à New York, il découvre, « sous le choc », que certains des objets sont sur le point d’être mis aux enchères. « Je pensais qu’elle les avait pris pour son usage personnel. Quand j’ai vu la vente, je me suis dit : “Oh, mon Dieu, elle est allée jusque-là !” Ces objets sont volés, ils ne lui appartiennent pas, elle essaye d’en tirer profit », accuse Ndaba Mandela.

S’il se souvient avoir entendu sa tante évoquer un projet de jardin, il y a quelques années, le petit-fils de Nelson Mandela assure que personne n’a été informé des enchères. « C’est simple, si [Makaziwe] nous avait prévenus, la famille serait peut-être convenue de choisir les objets à mettre en vente et ceux qui doivent être préservés », dit-il. Dans la foulée, un avocat représentant onze des dix-sept petits-enfants de Mandela contacte Guernsey’s et son président, Arlan Ettinger.

« Les membres de la famille affirment que la vente présente au moins onze objets de grande valeur, dix chemises iconiques de Nelson Mandela ainsi que son passeport, qui ont été volés ou soustraits de la maison de Houghton dans des circonstances très discutables par Mme Amuah sans permission », écrit le cabinet Lerner & Lerner dans une lettre, le 22 novembre 2021. La maison de ventes s’exécute et retire les objets concernés, mais Ndaba Mandela ne comprend toujours pas pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour obtenir l’annulation des enchères dans leur ensemble.

Sa dernière demeure presque à l’abandon

Du côté de l’autorité chargée du patrimoine sud-africain, on s’est étranglé en découvrant que des biens ayant appartenu à l’ancien président avaient été envoyés à l’étranger, sans permission. « Les objets associés à des personnages (…) significatifs pour l’histoire de l’Afrique du Sud font partie du patrimoine national et, en tant que tels, doivent être soumis à une demande de permis en cas d’export », précise la South African Heritage Resources Agency.

Cette agence a été chargée de déterminer le statut des objets initialement mis en vente en concertation avec la famille et la Fondation Nelson Mandela. A condition de les récupérer. Plus d’un mois après l’annulation de la vente, leur restitution est toujours en suspens, alors que la famille refuse que les objets soient rendus à Makaziwe Mandela. « Des négociations sont en cours entre les différentes parties afin de les ramener en Afrique du Sud de la manière la plus sécurisée possible », confirme la South African Heritage Resources Agency. Makaziwe Mandela-Amuah, elle, a fait savoir qu’elle ne répondrait pas aux sollicitations de la presse.

L’épisode est le dernier feuilleton d’une saga qui s’invite régulièrement dans les colonnes de la presse sud-africaine depuis la mort de l’ancien président sud-africain. Peu de temps avant sa disparition, la famille de Nelson Mandela s’était longuement disputée à propos du lieu de sa sépulture. Puis est venu le temps de la bataille pour le patrimoine du Prix Nobel de la paix. En toile de fond, cette fois, Ndaba Mandela assure que la maison dans laquelle a vécu l’ancien président de 1998 à sa mort est également menacée.

A la mort de Nelson Mandela, en 2013, de nombreux Sud-Africains étaient venus se recueillir devant la maison de Houghton, où il est mort. Mais, sept ans après la disparition de l’ancien président, la propriété qui a accueilli Michelle Obama, Bill Clinton ou Fidel Castro est presque à l’abandon. Depuis 2016, Ndaba Mandela accuse les exécuteurs testamentaires à la tête du conglomérat chargé de gérer le patrimoine de Nelson Mandela d’avoir « failli à leurs devoirs » en négligeant l’entretien de la demeure, conformément aux vœux de l’ancien président. « Les boiseries sont dégradées, la salle de sécurité a été inondée, le toit doit être réparé », énumère Ndaba Mandela, avant de mettre en garde : « C’est une vieille maison, si vous n’en prenez pas soin, elle va se délabrer très vite. » (lemonde.fr)

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