Jeudi 24 février, l’écrivaine et vétérane Iryna Tsvila a trouvé la mort dans les combats survenus à la frontière de Kyiv*, la capitale ukrainienne. Sa disparition a mis les réseaux sociaux en émoi et relancé le débat de la place des femmes dans la guerre.
Le regard franc, le sourire espiègle, le cheveu brun sous un foulard vert-de-gris et l’uniforme assorti de la brigade d’intervention rapide de la Garde nationale ukrainienne. C’est ainsi qu’apparaît Iryna Tsvila, écrivaine devenue figure des femmes combattantes en Ukraine, sur les photos à sa mémoire qui inondent les réseaux sociaux. Jeudi 24 février, la combattante a perdu la vie au nord de Kyiv*, aux portes de la capitale, alors que son bataillon tentait de repousser un assaut de chars blindés russes. Son compagnon Dmyro est décédé avec elle, laissant leurs cinq enfants orphelins.
Dans un tweet publié samedi, Volodymyr Yermolenko, philosophe, journaliste et écrivain ukrainien, ami proche d’Iryna Tsvila, annonçait la disparition de celle qu’il considérait comme une « personne incroyablement courageuse et gentille ». Il avait co-signé avec elle « Voices of war. Veterans stories » (non traduit), ouvrage qui compulsait les récits de guerre de 22 combattants dans le Donbass. C’est notamment lors de ce conflit russo-ukrainien de 2014 que la jeune femme avait fait ses armes et s’était enrôlée dans le bataillon Sich, groupe paramilitaire engagé contre les séparatistes pro-russes.
Combattantes en « talons hauts »
La disparition d’Iryna Tsvila a surtout ravivé le débat de l’invisibilisation des femmes dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine, et plus largement lorsqu’il est question de conflits armés. Outre les messages de soutien et de tristesse observés sur la toile après le décès de l’écrivaine, beaucoup d’utilisateurs ont tenu à rappeler le rôle que jouent les femmes dans ces combats. Et de s’insurger contre les clichés sexistes desquels l’Ukraine, comme beaucoup d’autres, est coutumière.
En juillet 2021 par exemple, quelques temps avant le défilé du 24 août qui devait célébrer l’indépendance du pays, l’agence de communication de l’armée avait diffusé des images de combattantes qui marchaient au pas… en escarpins. Une initiative que l’opposition et les différentes associations avaient qualifié de « véritable honte » en demandant au ministre de la Défense Andriy Taran de présenter des excuses publiques, ce qu’il n’a jamais fait.
Plus récemment, dans une vidéo publiée sur le site 200rf.com, page ukrainienne recensant les soldats russes tués ou capturés au combat, Viktor Androussiv, conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur, déclarait : « Je sais que de nombreux Russes s’inquiètent de savoir comment et où sont leurs enfants, leurs fils, leurs maris et ce qui leur arrive. » Le message avait vivement fait réagir l’opinion par sa propension à glorifier encore la figure de l’homme fort partant au combat en laissant femme et enfants derrière lui. Un comble quand on sait que l’Ukraine est dotée de la plus grande armée féminine du monde, avec 56.726 femmes dont 4.810 officiers en 2020.
*Kyiv est le nom de la capitale selon la prononciation ukrainienne. Kiev, l’appellation aux origines russes, est largement décriée en Ukraine. (Elle)