C’est l’un des plus grands représentants de l’autoportrait. Samuel Fosso, né le 17 juillet 1962 à Kumba, dans le sud-ouest du Cameroun, a enrichi l’histoire de la photographie avec ses œuvres inattendues et iconoclastes qui font écho à l’histoire africaine et s’imposent à nous. Jusqu’au 13 mars, la Maison européenne de la photographie à Paris rend hommage à l’autodidacte dans une rétrospective impressionnante.
Il a l’air très discret, regarde attentivement, se déplace doucement et parle à voix basse. Mais là où d’autres diraient : « je fais une photo », il parle de « filmer ». Tout est dit. Dans ses autoportraits reconnaissables au premier coup d’œil, Samuel Fosso transforme chaque cliché en une sorte de « 1-image-film ».
Aujourd’hui, ce metteur en scène virtuose de sa propre image partage sa vie entre la France et le Nigeria. Né avec un handicap physique, enfant, il n’avait pas droit aux photos et aux regards tendres de sa famille. A l’âge de cinq ans, il perd sa mère et se réfugie avec ses grands-parents dans la forêt. Sa famille, de l’ethnie Ibo, sera persécutée pendant la guerre du Biafra. Et dans sa famille, Samuel sera le seul enfant de son âge à avoir survécu. À l’âge de dix ans, il rejoint son frère à Bangui, en République centrafricaine. Il y travaille d’abord comme cordonnier, ensuite comme apprenti photographe, avant d’ouvrir son propre studio, à l’âge de 13 ans, sous la promesse originale : « Avec Studio National, vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître ».
Très vite, il utilise ses talents pour le déguisement et la mise en scène de ses propres autoportraits, réalisés sur les restes de pellicules de ses clients. Ainsi, il sublime depuis des décennies l’art de l’autoportrait et le décline en séries devenues célèbres : 70’s Lifestyle, Tati, Le rêve de mon grand-père, African Spirits ou Black Pope.
RFI : Pourquoi êtes-vous devenu photographe ?
Samuel Fosso : C’était un rêve de devenir photographe. Très jeune, j’avais déjà envie d’être photographe. À l’âge de sept ans, j’ai demandé à mon aîné d’être photographe et de pouvoir faire mes propres photos. C’est le monde des photographes qui m’a poussé à être photographe.
Qu’est-ce qu’une bonne photo pour vous ?
La bonne photo pour moi, c’est de faire le meilleur. Je faisais des photos commerciales, donc pour mes clients. Dans les bonnes photos, il faut savoir filmer d’abord, et deuxièmement bien développer. Et peut-être aussi développer le tirage qui compte au laboratoire. Pour moi, c’est ça : une photo bien faite est une bonne photo.
Entre le temps d’exposition et l’ouverture, où se situe votre priorité en photographie ?
Le plus important, c’est l’ouverture, la captation des lumières. D’abord, il y a une différence entre l’ouverture du studio avec la lumière artificielle, et l’ouverture à l’extérieur concernant la lumière du jour. Les deux varient. Normalement, le plus important est l’ouverture pour capter la lumière du jour, pour qu’il corresponde au sujet que vous êtes en train de prendre en photo.
Quand avez-vous décidé pour la première fois de vous mettre en scène et de vous transformer pour vous prendre vous-même en photo ?
Me prendre en autoportrait, cela a commencé tout au début, quand j’ai commencé mes photos commerciales au studio. C’est cette idée de me prendre moi-même en photo qui m’a poussé aussi à devenir photographe. Parce que j’avais manqué cette opportunité quand j’étais enfant. Je n’ai pas eu de photo de moi quand j’étais bébé ou enfant. Alors, j’ai trouvé cette occasion pour me filmer et pour envoyer cette photo à mes parents. J’étais en Centrafrique et mes parents et mes grands-parents voulaient me voir. Donc, j’ai fait la photo pour que je puisse l’envoyer et qu’ils me voient. (rfi.fr)