Cadres de l’équipe de basketball de Saint Peter’s qui vient de réaliser la meilleure performance de l’histoire pour une petite université lors de la « March Madness », les jumeaux maliens Hassan et Fousseyni Dramé ont permis à ce petit poucet d’être, durant une dizaine de jours, le centre d’attention numéro un dans le panorama sportif américain.
Gainbridge Fieldhouse, Indianapolis, 18 mars dernier. Le buzzer résonne, Fousseyni et Hassan Dramé (21 ans) s’agenouillent au milieu du terrain pour prier. Leur équipe de St. Peter’s vient de frapper un énorme coup lors du premier tour de la March Madness, le tournoi annuel du basketball universitaire américain, en faisant plier l’université de Kentucky (85-79), classée tête de série numéro 2 pour la conquête du titre suprême.
Les deux Maliens, très peu connus jusque-là, ont mis leur nom, et leur prénom, dans toutes les bouches des fans de basket aux États-Unis, en étant les deux piliers de l’équipe « cendrillon » de l’événement sportif le plus suivi du pays en termes d’audiences (30 millions de téléspectateurs de moyenne) et de business (la « folie de Mars » génère environ 1,6 milliards de revenus).
« Personne ne nous attendait, mais on savait dès le début du tournoi que l’on pouvait battre n’importe qui », souligne Hassan, avant d’ajouter « on a commencé rapidement à sentir une vague énorme de sympathie et de soutien à travers le pays, et au fur et à mesure que l’on avançait dans le tournoi, l’attention qui nous était portée était juste incroyable, du jamais vu pour nous et l’université ».
Une célébrité soudaine, mais les pieds sur terre
L’aventure se poursuit au tour suivant pour la petite fac basée dans le New Jersey qui fait tomber coup sur coup Murray State (tête de série n°7), puis Purdue (tête de série n°5) lors du Sweet 16, les 16èmes de finale. Les jumeaux enchaînent les bonnes performances avec leur défense et combativité exemplaire. À ce stade, les Peacocks (les paons, symbole de l’équipe) deviennent la première équipe la moins bien classée de l’histoire (tête de série numéro…64), soit la dernière équipe tirée au sort lors du tableau final, à se hisser aussi loin dans cette compétition à élimination directe.
« On nous avait promis une défaite écrasante au premier match, et cela nous a donné encore plus de motivation », précise Fousseyni, qui poursuit « nous avions faim, et on a regardé nos adversaires les yeux dans les yeux. Nous n’avions pas la pression, les favoris l’avaient et on a été très bon pour leur faire comprendre cela ». Lors des quarts de finale, face à la mythique fac de North Carolina qui a vu passer Michael Jordan, l’aventure s’arrête, avec une défaite (69-49). « On a montré que David pouvait battre Goliath, trois fois ! On est entré dans l’histoire du sport Américain, et on a reçu plusieurs centaines de milliers de messages de soutien. Toute l’Amérique parlait que de nos exploits pendant plus de dix jours », rigole encore Hassan.
Couverture d’ESPN magazine, première page du New York Times à trois reprises, mais aussi de grands quotidiens comme USA Today, le Washington Post et même une invitation sur le plateau de Good Morning America, le show matinal phare du panorama audiovisuel Américain avec ses 25 millions de téléspectateurs quotidiens. Malgré cette célébrité soudaine, les deux frères profitent du moment, sans se prendre la tête, en se concentrant sur leur principal objectif: devenir professionnel.
« On veut obtenir nos diplômes et devenir des joueurs professionnels »
« On aime bien cette attention, c’est bien de faire parler d’une école comme la nôtre, et on espère profiter de certaines retombées, mais le focus est sur la suite de notre carrière, car nous n’avons pas encore fini notre parcours universitaire. On veut obtenir nos diplômes et devenir des joueurs professionnels », souligne Hassan.
Même son de cloche pour leur mentor Tidiane Dramé, qui les a fait venir aux États-Unis en 2016. Ancien recruteur pour les Golden State Warriors et fondateur de l’association Mali Hope, il est installé depuis vingt ans dans le pays, et aide de jeunes prospects Maliens et Guinéens à décrocher des bourses d’études sportives à l’université. « L’aspect scolaire est très important, et les deux ont vraiment la tête bien ancrée sur les épaules », précise-t-il. Et d’ajouter : « qu’avec les sacrifices et le travail qu’ils mettent en place depuis qu’ils ont traversé l’Atlantique, leur futur est radieux. Ils ont toutes les cartes en main pour atteindre leurs rêves de basketteur ».
Avant de penser à un possible futur en NBA ou ailleurs, les frères Dramé veulent surfer sur la vague qu’ils ont aidé à créer avec St. Peter’s pour quelques temps encore. Avec plusieurs sponsors qui tapent à leur porte, les deux espoirs Maliens veulent capitaliser sur l’attention qui leur est portée et remercier le soutien des fans qui ont joué un énorme rôle de sixième homme durant leur parcours historique. « Le maire de Jersey City et le gouverneur d’état Phil Murphy ont décidé d’organiser une parade en notre honneur samedi, avec bus à impériale et une grande célébration dans les rues de la ville. Plus de 80 000 sont attendus, ça va être la folie », s’excite Fousseny.