Wangari Muta Maathai est née en 1940, dans les hauts plateaux du centre du Kenya, à environ 160 kilomètres de la capitale Nairobi. Elle fait partie des 800 jeunes Africains qui, dans les années 1960, ont étudié aux États-Unis dans le cadre du programme de bourses Kennedy Airlift.
Quelles ont été les réalisations de Wangari Maathai dans le domaine universitaire ?
Elle a étudié les sciences biologiques aux États-Unis. C’est là qu’elle observera et s’inspirera du Mouvement des droits civiques. D’autres études la conduiront au Kenya, puis en Allemagne. Wangari Maathai a été la première femme d’Afrique centrale et orientale à obtenir un doctorat et elle est aussi devenue la première femme professeur associée en Afrique centrale et orientale. En 1976, Maathai a dirigé le département d’anatomie vétérinaire à l’université de Nairobi, où elle a pris ses fonctions de professeure associée l’année suivante.
Comment est né le Mouvement de la ceinture verte de Wangari Maathai ?
Maathai a introduit l’idée de la plantation d’arbres au niveau de la communauté qu’elle a développée en une large organisation de base. C’est cette organisation qu’elle a appelée le Mouvement de la ceinture verte (Green Belt Movement – GBM), officiellement fondée en 1977, sous les auspices du Conseil national des femmes du Kenya (NCWK), en réponse aux besoins en énergie et en eau des femmes rurales du pays.
Au fil des ans, le Mouvement de la ceinture verte a planté plus de 51 millions d’arbres au Kenya. Travaillant, à la base, au niveau national et international, le mouvement se concentre sur le renforcement de la résilience au climat et l’autonomisation des communautés, en particulier des femmes, pour favoriser un espace démocratique et des moyens de subsistance durables.
Comment Wangari Maathai a-t-elle défendu les droits de l’homme ?
Maathai est réputée pour sa lutte contre l’accaparement des terres et pour la protection des bassins versants et des espaces verts au Kenya. En 1989, alors que le Kenya était encore sous le régime d’un parti unique dirigé par le président de l’époque, Daniel arap Moi, elle a mené une campagne contre la construction d’un complexe commercial de 60 étages dans le parc Uhuru – un parc public de 13 hectares adjacent au quartier central des affaires de Nairobi.
Une décennie plus tard, elle a mené un groupe de citoyens à une confrontation avec des voyous engagés par des promoteurs corrompus qui tentaient de s’emparer de la forêt de Karura, une forêt urbaine classée en 1932 et située dans la capitale. D’une superficie initiale de 1.041 hectares, la réserve a été réduite à 564 hectares en raison des incursions des promoteurs, selon un rapport kenyan de 2005 sur les attributions illégales de terres.
Wangari Maathai était aussi très engagée dans la lutte pour la démocratie dans son pays. En 1992, l’année des premières élections multipartites, Maathai a pris la tête d’un groupe de femmes qui avaient entamé une grève de la faim au parc Uhuru à Nairobi. Ces femmes, ainsi qu’un autre groupe d’activistes politiques connu sous le nom de « Libérez les prisonniers politiques » (RPP), demandaient la libération de leurs fils emprisonnés sans procès suite à des accusations d’origine politique.
Les femmes se sont déshabillées après que les agents de sécurité aient reprimé la protestation. Elles ont défié les autorités pendant près de 11 mois, avant que le gouvernement ne fasse marche arrière et libère les prisonniers politiques. Pour immortaliser cet incident, cette partie du parc d’Uhuru a ensuite été baptisée « Le coin de la liberté » (Freedom Corner). Après l’introduction de la démocratie multipartite, le Mouvement de la ceinture verte dirigé par Maathai a contribué à éduquer les communautés sur la bonne gouvernance, à favoriser la paix et à protéger l’environnement.
Comment Wangari Maathai a-t-elle été honorée pour son travail ?
Pour ses réalisations révolutionnaires, Wangari Maathai a reçu d’innombrables prix, parmi lesquels un prix Nobel alternatif, un prix Goldman pour l’environnement, un prix Indira Ghandi et la Légion d’honneur française. En 2005, onze chefs d’État de la région du Congo l’ont nommée ambassadrice de bonne volonté pour l’écosystème forestier du bassin du Congo.
En 2004, Wangari Maathai obtient l’une des plus hautes distinctions lorsque le Comité Nobel norvégien lui décerne le prix Nobel de la paix pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix au Kenya et en Afrique.
Quelques citations mémorables de Wangari Maathai
« La génération qui détruit l’environnement n’est pas celle qui en paie le prix. C’est là le problème. »
« Les droits de l’Homme ne sont pas des choses qui sont mises sur la table pour que les gens puissent en profiter. Ce sont des choses pour lesquelles on se bat et qu’on protège ensuite. »
« Nous sommes aujourd’hui confrontés à un défi qui appelle un changement de mentalité, afin que l’humanité cesse de menacer son système de survie. Nous sommes appelés à aider la terre à guérir ses blessures et, ce faisant, à guérir les nôtres – en fait, à embrasser l’ensemble de la création dans toute sa diversité, sa beauté et son émerveillement. Reconnaître que le développement durable, la démocratie et la paix sont indivisibles est une idée dont l’heure est venue. »
« Je suis très consciente du fait que vous ne pouvez pas le faire seul. C’est un travail d’équipe. Quand vous le faites seul, vous courez le risque que lorsque vous ne serez plus là, personne d’autre ne le fasse. »
Quel souvenir a laissé Wangari Maathai ?
Wangari Maathai est décédée le 25 septembre 2011, à l’âge de 71 ans, à la suite d’un combat contre le cancer des ovaires. En 2012, l’Union africaine a désigné le 3 mars comme la Journée Wangari Maathai. Cette journée est célébrée en même temps que la journée africaine de l’environnement.
En 2016, le gouvernement du comté de Nairobi a rebaptisé la route forestière de Lumuru « route Wangari Maathai », « Prof. Wangari Maathai Road ». L’Institut Wangari Maathai pour la paix et les études environnementales (WMI) de l’Université de Nairobi a aussi été créé pour honorer, reconnaître, célébrer, faire progresser et immortaliser les idéaux et les travaux du professeur Wangari Maathai.
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Les professeurs Doulaye Konaté, Christopher Ogbogbo, Lily Mafela ont contribué à ce récit qui fait partie de la série « Racines d’Afrique ». Une série de la Deutsche Welle, en coopération avec la Fondation Gerda Henkel. (dw.com)