Les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) se réunissent lors d’un sommet très attendu dimanche 3 juillet à Accra, au Ghana. En effet, ils doivent statuer sur les sanctions concernant le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, trois pays théâtre de coups d’État.
Les leaders ouest-africains, qui entendent peser pour un retour rapide des civils au pouvoir, vont se pencher sur les vigoureuses mesures de rétorsion commerciales et financières infligées au Mali depuis janvier, et sur celles, moins lourdes, du Burkina Faso et de la Guinée. Mais ils sont divisés entre partisans de la fermeté et avocats du compromis, à l’heure où les sanctions accentuent la crise économique et sociale au Mali et ont un impact sur les économies de ses voisins.
« Je suis pour le maintien de ces sanctions, car le Mali est un pays en danger », avait déclaré mi-juin le président nigérien dans une interview au quotidien sénégalais Le Soleil.
« Le prochain sommet de la Cedeao est très important pour nous. Il s’agit de nos propres voisins mais également de la sécurité dans nos propres pays », a estimé le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays partage une frontière avec la Guinée, le Burkina et le Mali.
Les deux dirigeants avaient fait part de leurs réflexions, le 23 juin dernier, lors d’une visite officielle du chef de l’État nigérien en Côte d’Ivoire. « Nous avons essayé d’harmoniser nos points de vue sur ces dossiers délicats. Que ce soit le Burkina le Mali ou la Guinée, ce sont des pays avec lesquels nous voulons entretenir et développer des relations de confiance et souhaiter que le processus démocratique avance », a déclaré Alassane Ouattara lors d’un point presse.
L’Afrique de l’Ouest a vu se succéder les coups de force en moins de deux ans : putsch le 18 août 2020 à Bamako, nouveau fait accompli parachevant le premier le 24 mai 2021, putsch le 5 septembre 2021 à Conakry, et putsch le 24 janvier 2022 à Ouagadougou.
Le Mali accélère pour sortir des sanctions
Le Mali, pays pauvre et enclavé, exsangue d’un conflit qui dure depuis plus d’une décennie, est confronté à un embargo sur les transactions commerciales et financières, hors produits de première nécessité.
Le Burkina, autre pays sahélien pris dans la tourmente djihadiste, et la Guinée ne sont pour l’heure que suspendus des organes de la Cedeao. Mais les juntes en place entendent y rester trois ans et exposent leur pays à un durcissement des sanctions. D’âpres négociations sont en cours depuis des mois entre la junte militaire au Mali et la Cedeao, mais elles n’ont jusque-là pas abouti à un compromis.
Le dernier sommet, le 4 juin, a ainsi accouché d’une souris : aucune décision n’a été prise sur les sanctions à l’encontre des régimes putschistes, et la Cedeao s’est donné un mois de plus pour négocier et s’entendre sur une levée ou un maintien des sanctions.
Entre-temps, le médiateur Goodluck Jonathan, ancien président du Nigeria, s’est rendu vendredi à Bamako rencontrer les autorités militaires. Si rien n’a officiellement filtré des échanges, un membre de son entourage a indiqué à l’AFP que « le Mali a fait d’énormes progrès ». Même s’il reste « quelques réglages à faire », la junte malienne « fait du bon travail », a-t-il ajouté.
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Nouveau calendrier électoral
Les autorités ont annoncé mercredi un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024, le référendum constitutionnel à mars 2023, et les législatives entre octobre et novembre 2023. Il vient compléter l’adoption le 17 juin d’une nouvelle loi électorale : autant de prérequis indispensables pour la Cedeao dans l’optique d’une levée des sanctions infligées le 9 janvier au pays pour stopper le projet des militaires de gouverner cinq années. Un potentiel point de blocage dans les négociations peut néanmoins subsister dans la porte désormais ouverte, par la nouvelle loi électorale, d’une candidature d’un militaire à une élection présidentielle.
Reste qu’à Bamako, le sommet de dimanche est porteur d’espoir, « surtout à l’approche de la Tabaski [nom ouest-africain de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha, NDLR] », à la fin de la semaine prochaine, sourit un vendeur de bétail. Les sanctions ont largement impacté l’économie malienne, déjà éprouvée par dix ans de conflit.
Tractations
La Cedeao, alarmée du risque de contagion dans une région vulnérable, multiplie les sommets, les médiations et les pressions pour accélérer le retour des civils à la direction de ces pays. Au Burkina Faso, la Cedeao a nommé un médiateur malgré son « inquiétude » devant les 36 mois prévus pour la transition. « Nous sommes sur la voie du compromis » avec ce pays, a dit à l’AFP un diplomate de la sous-région.
Le médiateur, l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou, doit se rendre à Ouagadougou vendredi en amont du sommet. Un calendrier électoral, présenté par la junte aux partis mercredi, doit lui être proposé. Il « porte sur deux aspects : la restauration de la sécurité et l’organisation des élections pour le retour à un ordre constitutionnel normal », a dit le Premier ministre, Albert Ouedraogo.
Pour l’ancien parti au pouvoir, la présentation de ce calendrier est, selon son président Alassane Bala Sakandé, « du spectacle pour la Cedeao ». Plusieurs sources proches de l’organisation saluent, elles, cette recherche apparente de compromis.
En Guinée, pays qui a refusé jusqu’alors la venue d’un médiateur, la junte a acté une durée de transition de 36 mois. Un délai qualifié d’« impensable » par le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine. « La Cedeao va devoir prendre des mesures », avait-il dit. L’organisation avait exprimé lors du dernier sommet « ses graves inquiétudes » devant les tensions politiques, et pressé les autorités d’établir un cadre de dialogue avec les acteurs politiques et la société civile.
Lundi, comme un premier pas, le gouvernement a reçu les principales formations politiques en vue d’engager un dialogue. Plusieurs partis ont conditionné leur participation à la nomination d’un médiateur ouest-africain. (Le Point)