Attendues depuis le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, il y a un an, les retrouvailles d’Alassane Ouattara et de ses deux prédécesseurs sont imminentes. Un cliché historique qui confirmera que les « vieux » refusent la retraite politique ?
Est-ce l’effet de la trêve médiatique estivale ou les signes insistants d’une certaine nostalgie afropolitique ? Les anciens chefs d’État squattent l’actualité africaine du moment. En mode « disparition » comme l’Angolais José Eduardo dos Santos décédé vendredi 8 juillet à Barcelone ; en mode « traque » comme le Gambien Yahya Jammeh cerné par l’étau judiciaire.
En même temps que la Côte d’Ivoire intriguait pour réunir quatre anciens chefs d’État burkinabè autour du condamné Blaise Compaoré – celui-ci n’en côtoiera finalement qu’un (Jean-Baptiste Ouédraogo), Roch Marc Christian Kaboré, Yacouba Isaac Zida et Michel Kafando ayant décliné l’invitation de Paul-Henri Sandaogo Damiba -, le pays de Félix Houphouët-Boigny feuilletonnait la réunion d’un autre boys band : les retrouvailles annoncées des trois anciens présidents vivants de la République ivoirienne.
Simple selfie ?
Après de légitimes hésitations et de sincères encombrements d’agendas, le temps semble venu. Laurent Gbagbo rentré le 28 juin de plusieurs semaines de déplacement privé à Bruxelles et Henri Konan Bédié débarqué ce 10 juillet de sa ville de Daoukro, les deux anciens présidents ont pu signaler leur disponibilité à s’asseoir, qui à droite de l’actuel locataire du palais, qui à gauche.
Si les titans de la politique ivoirienne contemporaine ont souvent dansé le tango en duo, à l’occasion d’alliances opportunistes dont ils ont épuisé les combinaisons, ils ont rarement présenté une bourrée au grand public, cette danse qui peut se pratiquer à trois partenaires. La rencontre au sommet est imminente, probablement le 14 juillet. Simple selfie à trois ? Des sourires hypocrites pour une photographie historique en guise de terminus ? Les « vieux » Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo – 245 ans à eux trois – ne sont pas du genre à prendre de la distance avec la politique politicienne opérationnelle.
Élections en ligne de mire
La rencontre au sommet s’inscrit donc en contrepoint du dialogue politique du début d’année. Et l’ordre du jour, devant ou derrière les caméras, devrait être concret : la perspective des élections locales et régionales de 2023, le projet de loi créant deux nouveaux sièges à la commission centrale de la Commission électorale indépendante (CEI), la question des prisonniers considérés par certains comme « politiques », depuis les crises électorales de 2010-2011 et de 2020, mais aussi la présidentielle de 2025. Un scrutin sur lequel chaque ancien chef d’État entend bien peser, avec toute l’ambiguïté qui sied sur sa participation éventuelle au casting…
La rencontre de ce mois de juillet n’offrira sans doute que des vœux de fraternité dont on a appris qu’ils étaient souvent pieux. Peut-être faudra-t-il s’en contenter, voire s’en réjouir. Car le proverbe populaire indique que « Quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent ». La Côte d’Ivoire est bien le pays des éléphants, alors qu’ils dansent la bourrée… (Jeune Afrique)