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Al-Qaïda : l’Algérien Abou Obeida al-Annabi, troisième candidat à la succession de Zawahiri

Choisi par la branche maghrébine d’Al-Qaïda pour postuler à la direction de l’organisation terroriste, l’Algérien Abou Obeida Youssef al-Annabi, de son vrai nom Yazid Mebarek, a rejoint le FIS dès la fin des années 1980. Et évolué, depuis, dans tous les groupes islamistes d’Afrique du Nord.

Le 21 novembre 2020, dans une vidéo produite par Al-Andalus, l’aile médiatique d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Ould Sidi, alias Qutaiba Abou Nooman al-Chinqiti, responsable légal et religieux de l’organisation jihadiste, annonçait le choix par le comité des sages d’Abou Obeida Youssef al-Annabi comme chef suprême d’Aqmi. Cette annonce qui avait pris cinq mois, preuve s’il en est de la complexité du processus de promotion interne de l’organisation et de la fracture qui existe entre ses deux franges survivant au Nord et opérant dans le Sahel.

Sujet central des débats, faut-il rester sur le dogme d’une chefferie constituée d’historiques » algériens, fondateurs de l’organisation ou privilégier de nouveaux visages issus du Sahel, qui est aujourd’hui le point focal du combat d’Aqmi ?

Sans surprise, le choix s’était porté sur un compagnon de longue date de son fondateur Abdelmalek Droukdel, tué par lors d’une opération franco-américaine au Mali, avec qui il avait fondé le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) en 2004 et participé à la transformation du groupe en franchise d’Al-Qaïda en janvier 2007 après une prestation d’allégeance officialisant la création d’Aqmi : Abou Obeida al-Annabi, de son vrai nom Yazid Mebarek.

Mebarek est né en 1970 à Annaba, à 500 km à l’est de la capitale algérienne. Appelée la Coquette, cette cité balnéaire était l’une des villes les plus festives du pays. Elle a connu la montée de l’islamisme pendant les années 1980, puis a vu l’installation d’un maquis terroriste au début des années 1990. À 19 ans, il devient militant actif du Front islamique du salut (FIS), parti islamiste créé en 1989. Annaba et tout l’Est algérien sont un véritable bastion pour ce parti qui se structure de manière forte après sa victoire aux élections communales de 1990. Le jeune Mebarek, étudiant en sciences économiques à l’université de Constantine à l’époque, côtoie d’autres leaders du mouvement, ainsi que de futurs dirigeants des organisations terroristes qui naîtront après l’arrêt du processus électoral en janvier 1992. C’est d’ailleurs à cette période, en 1993, son diplôme en poche, que Mebarek rejoint les rangs de l’Armée islamique du salut (AIS), bras armé du FIS dissout, qui avait fait de la région de Jijel et Annaba son quartier général. Puis ceux du Groupe islamique armé (GIA), où il fait la rencontre d’Abdelmalek Droukdel en 1996. Mebarek avait quitté l’AIS au début des pourparlers de ce groupe avec les autorités algériennes, préférant poursuivre le combat.

En désaccord avec les thèses du GIA, que certains cadres jugent nihilistes, il fait scission, puis monte en grade en participant à la création du GSPC en 2004, puis en en devenant le commissaire politique, poste qu’il gardera après la création d’Aqmi.

Contrairement à son frère d’armes Droukdel, Abou Obeida était contre la régionalisation du combat et son extension à d’autres pays. Sa vision était qu’il fallait se concentrer sur l’Algérie et y prendre le pouvoir pour réparer le mal fait au FIS lors de l’interruption du processus électoral de 1991. Il voyait d’un mauvais œil l’adhésion du GSPC à la nébuleuse Al-Qaïda à cause du risque de s’attirer l’inimité d’autres États et de se retrouver dans le collimateur des États-Unis. Annabi représente avec un petit groupe de cadres du GSPC une troisième voie entre celle de Hassan Hattab, créateur de l’organisation, qui croyait au dialogue et à la sortie par le haut à travers la Réconciliation nationale, et Droukdel, qui voulait coûte que coûte faire du GSPC le bras d’Al-Qaïda sur l’ensemble du continent. Il en résultera des tensions entre lui et Droukdel qui dureront plusieurs années.

Les deux hommes se réconcilieront lors de la campagne d’attaques et d’attentats de 2007 en Algérie qui a marqué le climax de l’activité d’Aqmi dans le nord du pays. Une campagne qui provoquera une vigoureuse riposte de l’armée et des services algériens, lesquels mettront à mal les organisations terroristes actives dans le pays.

En 2009, Aqmi est acculée et se replie dans les maquis de Kabylie. Une branche s’allie à Mokhtar Belmokhtar et s’étend dans le no man’s land sahélien pour y vivre de prises d’otages et de trafic de drogue. En novembre de la même année, Abou Obeida Youssef al-Annabi manque de perdre la vie dans une embuscade tendue par l’armée algérienne dans le maquis d’Imsouhel, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il en sortira gravement blessé et perdra l’usage d’une jambe.

Cette blessure le cantonnera à un rôle moins opérationnel et plus idéologique et administratif dans l’organisation terroriste. Il en deviendra par la suite le chef du comité des sages, groupe de référents religieux et idéologiques, et membre du Majliss al-Choura, le conseil consultatif d’Aqmi. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il est choisi par Droukdel pour le remplacer derrière le micro et signer les communiqués d’Aqmi. Son émergence sur le devant de la scène à partir de la fin de 2018 intervient au moment où Droukdel est terrassé par la maladie et très affaibli. Le 25 avril 2013, en réaction à l’opération Serval, c’est lui qui appelle au jihad contre la France et donne forme à l’insurrection jihadiste qui suivra. Le 10 septembre 2015, il est inscrit sur la liste noire américaine des « terroristes internationaux ».

Abou Oubeida saisira l’opportunité du déclenchement de la révolution populaire en Algérie, après février 2019, pour lancer des communiqués de soutien et déclarer que son organisation s’abstiendra de s’attaquer au peuple. Dans la foulée, il accorde une interview à la chaîne d’information France 24, qui le présente comme numéro deux de l’organisation.

C’est l’époque où il se rapproche idéologiquement du commandement d’Al-Qaïda, engagé dans une guerre féroce en Syrie et en Irak contre les pouvoirs locaux et surtout contre le phénomène État islamique, dont la poussée remet en question l’existence même de l’organisation fondée par Oussama Ben Laden. Mebarek appliquera à la lettre les recommandations d’Ayman al-Zawahiri ,qui préconisait un transfert de la lutte sur le terrain de l’idéologie et de la politique, et un rapprochement avec les populations en plein printemps arabe.

C’est donc tout naturellement qu’il est propulsé chef d’Aqmi par le Majliss al-Choura le 21 novembre dernier. Très peu de cadres ont son ancienneté et la vidéo d’intronisation justifiait presque son choix en s’attardant sur la perte du groupe qui accompagnait Droukdel lors de son élimination en déroulant leurs biographies.

En devenant patron d’Aqmi et avec l’élimination d’Aymen al-Zawahiri en Afghanistan le 31 juillet dernier, Abou Obeida Youssef al-Annabi se retrouve, de facto, sur la short list des candidats potentiels au remplacement du compagnon de Ben Laden à la tête d’Al-Qaida.

Il a pour cela plusieurs atouts. D’abord le fait qu’Aqmi soit aujourd’hui l’une des franchises d’Al-Qaïda contrôlant le plus de territoires, l’une des plus autonomes financièrement et l’une des rares pouvant reproduire l’exploit des Talibans, c’est-à-dire proposer un mode de gouvernance dans le Sahel. Néanmoins, le chef d’Aqmi part avec quelques sérieux handicaps. Celui d’être totalement en déroute en Algérie, son fief historique, est le premier. Son origine maghrébine en fait aussi un candidat de seconde zone face aux puissants égyptiens et aux autres Moyen-Orientaux. Autre handicap de taille : l’absence de continuité géographique de la zone d’influence d’Aqmi avec le reste des franchises et une rivalité très forte avec la filiale de Daech, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Enfin, Aqmi, qui fait partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), une coalition regroupant plusieurs groupes terroristes et qui est dirigée par Iyad Ag Ghali, ne serait pas en bons termes avec ce dernier et son influence sur la coalition ne serait pas aussi forte que l’on pense. Pour preuve, il n’y a eu aucun message de félicitations du GISM pour l’installation de Mebarek à la tête d’Aqmi.

Il reste que Annabi a su, en s’appuyant sur l’expérience de son groupe, relancer le recrutement local, attirer les franges les plus radicalisées en Algérie et même faire venir des combattants étrangers. De sérieux atouts si, en plus, il prouve ses capacités opérationnelles en organisant des attaques contre des intérêts occidentaux dans la région. (Jeune Afrique)

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