Entre Fathi Baschagha et Abdul Hamid Dbaiba, les deux Premiers ministres rivaux, la lutte pour le pouvoir a désormais également une composante juridique.
Le gouvernement du second a en effet imposé au premier, des restrictions de déplacement à l’intérieur de la Libye, en raison d’enquêtes qui seraient en cours.
Une décision suite aux violents affrontements dans la capitale Tripoli.
Les partisans des deux gouvernements rivaux se sont affrontés avec des canons antiaériens et des roquettes faisant plus de 30 morts et environ 160 blessées.
C’est la dernière illustration d’une confrontation politique de plusieurs mois et d’un chaos dans lequel la Libye se trouve depuis des années.
Deux gouvernements rivaux
D’un côté, il y a donc Abdel Hamid Dbaiba, nommé Premier ministre du gouvernement de transition par une commission électorale nationale grâce à la médiation de l’Onu. Sa tâche principale était d’organiser des élections d’ici décembre de l’année dernière. Il n’y est pas parvenu mais est resté en fonction.
De l’autre, l’ancien ministre de l’Intérieur, Fathi Baschagha, nommé Premier ministre par intérim en février de cette année par le parlement de Tobrouk – l’adversaire du gouvernement de Tripoli.
Au printemps de cette année, Fathi Baschagha, qui est allié du commandant Khalifa Haftar, a tenté de déplacer son siège officiel à Tripoli – ce que les troupes de Abdel Hamid Dbaiba ont empêché.
Depuis lors, le cessez-le-feu précédemment négocié a été remis en question à plusieurs reprises par les deux parties, y compris lors de la dernière confrontation militaire.
Thomas Volk responsable du programme régional pour le dialogue politique dans le bassin sud de la Méditerranée de la fondation Konrad Adenauer, à Tunis, estime que le risque est réel que les récents affrontements conduisent à la poursuite de la violence.
« Bien sûr, il devient en effet évident que si les tentatives de médiation tant de l’Onu que de l’Egypte échouent, une nouvelle spirale de violence pourrait s’ensuivre. C’est d’autant plus inquiétant quand on sait que le cessez-le-feu, qui a été mis en vigueur depuis octobre 2020, est en fait toujours en vigueur et toute l’attention internationale devrait être concentrée sur la garantie que ce cessez-le-feu durera. »
« Tout est en mauvais état »
Si la Libye est déjà un Etat divisé, beaucoup craignent que les tensions actuelles ne le déchirent davantage. Ceci alors que les préoccupations des Libyens restent les mêmes depuis des années, rappelle Thomas Claes, en charge du projet Libye à la Fondation Friedrich-Ebert en Tunisie.
« Les Libyens veulent lancer un processus d’unification et de paix digne de ce nom. L’autre demande est basée sur le fait que les Libyens vivent dans un Etat pétrolier réellement prospère mais que très peu de gens en ressentent les effets depuis des années. Tout est en mauvais état, comme le système d’eau et d’énergie, le port ou certaines routes. Au lieu de cela, les milices règnent, transformant tout en mafia. »
Selon certains observateurs, si la Libye s’effondrait davantage, le monde aurait affaire à deux régimes politiques dont les dirigeants se sont déjà révélés incapables de compromis et de coopération constructive.
Une nouvelle flambée de violence risque d’avoir par ailleurs de graves conséquences internationales. L’Europe serait confrontée à une pression migratoire encore plus grande et la Libye pourrait être absente pendant encore des années en tant que fournisseur de l’énergie dont l’Europe a un besoin urgent.
De plus, la Libye pourrait être encore plus touchée par l’instabilité qui caractérise la zone sahélienne. Cela d’autant plus que la Russie y étend sa présence après le retrait des troupes occidentales du Mali. (dw.com)