Au soir de son investiture, le président de la Transition Ibrahim Traoré a choisi un avocat pour diriger son gouvernement.L’avocat et président du Centre de recherches internationales et stratégiques (CRS), Me Apolinaire Joachim Kyelem de Tembela, 64 ans, a été nommé, vendredi 21 octobre 2022, Premier ministre, selon un décret signé par le capitaine Traoré.
Cette nomination intervient quelques heures seulement après la prestation de serment suivie de l’investiture du capitaine Ibrahim Traoré en qualité de président de la Transition, prévue pour prendre fin en juillet 2024. Il devrait former dans les plus brefs délais un gouvernement, conformément à la vision du président Traoré qui insiste sur l’urgence de renverser la situation sécuritaire et humanitaire préoccupantes. Le choix de l’homme de droit est une surprise d’autant plus qu’en mi-octobre, il a appelé le capitaine Traoré à ne pas mettre en place un gouvernement et à diriger par ordonnance.
« Pour moi, il n’y a pas quelqu’un d’autre qui peut assumer le pouvoir d’Etat plus que le capitaine Ibrahim Traoré. Moi, je souhaiterai qu’il n’y ait même pas de Premier ministre. Qu’il assume Thomas Sankara. Il légiféra par ordonnance ; là, les choses iront vite. Parce que nommer un Premier ministre crée un intermédiaire entre le gouvernement et le président. Ce qui croit les lourdeurs administratives », philosophait le nouveau chef de gouvernement. Analyste politique, il est chroniqueur de la célèbre émission de la télévision privée BF1, dénommée « Press Echos ». Il est connu pour être prolixe dans les débats intellectuels, faisant des rappels historiques et beaucoup de références au président Thomas Sankara.
Le journaliste Nicolas Bazié le qualifie de « nostalgique de la révolution sankariste ». « J’étais ici (à Ouagadougou) quand cela s’est déclenché le 04 aout 1983. Nous étions organisés en groues, par cellules de soutien à la révolution. Et le président Thomas Sankara voulait que je travaille dans son cabinet, mais moi, je tenais à poursuivre mes études », se rappelle Me Apolinaire Joachim Kyelem de Tembela. En 1982, quand éclatait la Révolution, avec Ablassé Compaoré, un proche de Sankara, ils ont créé le Club des étudiants juristes de l’Université de Ouagadougou (CEJUO) pour, dit-il, « sensibiliser et éveiller les consciences ». En 1983, alors étudiant à Nice, Me Kyelem et des camarades créent et animent le Comité de défense de la révolution (CDR) qui, à son avis, deviendra « le plus dynamique » de France. Il est auteur du livrel « Thomas Sankara et la Révolution au Burkina Faso : une expérience de développement auto centré », paru aux Esitions Harmattan.
Dans cet ouvrage, l’auteur fait une synthèse complète et très bien documentée de la révolution burkinabè, incarné par le capitaine Thomas Sankara, tué en octobre 1987. Parmi les nombreux soutiens au nouveau régime, figurent des partisans d’une coopération avec la Russie et pour le départ de la France. Ce qui n’est forcément pas le cas du chef de l’équipe sur laquelle compte le jeune capitaine de 34 ans pour redresser la barre. Dans une interview, début octobre, au doyen des quotidiens, L’Obervateur Paalga, le nouveau Premier ministre avait montré sa méfiance visi-à-vis de Moscou. « Je suis pour la diversification (des partenaires) mais pas pour le départ de X ou Y. ce qu’il faut, c’est la banalisation de notre partenariat avec la France pour qu’elle ne soit pas dominatrice. (…) La Russie est plus exploiteuse que la France ; demandez des nouvelles à la Somalie, à l’Ethiopie et à l’Angola », disait le natif de Koupéla, à 138 km à l’est de Ouagadougou.
Le capitaine Traoré a renversé le 30 septembre, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, lui-même tombeur du président civil et élu du Burkina, Roch Marc Christian Kaboré en janvier dernier. (Journal du Cameroun)