Bénin : Patrice Talon dicte le tempo d’une succession sous haute tension

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À Cotonou, il règne un calme de cimetière tout autour des états-majors politiques. À moins d’un an de la présidentielle d’avril 2026, aucun candidat ne s’est encore annoncé. Ni dans la majorité présidentielle ni au sein de l’opposition. Une première au Bénin depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990. Cette situation, selon plusieurs observateurs, illustre « la mainmise du président Talon sur le jeu politique » et tout autant « l’échec de sa réforme du système partisan », engagée notamment pour « éviter justement que le fonctionnement d’un parti soit prisonnier de la volonté d’un homme ».

Enfin un consensus clair

Si Patrice Talon a, à maintes reprises, rassuré sur sa volonté de ne pas manipuler la Constitution pour s’offrir un troisième mandat interdit par celle-ci, il tient à peser sur l’élection de son successeur et n’a jamais caché son souhait de voir se consolider les acquis de ses deux mandats. Mais ses velléités de positionner un de ses fidèles ont essuyé à chaque fois de fortes résistances, principalement dans son camp, où les ambitions de lui succéder sont tout aussi féroces que sibyllines. Face à cette cacophonie des envies de succession, le président Talon a décidé, selon plusieurs de ses proches, de procéder par « subterfuge » : révéler son dauphin « le plus tard possible » pour ne pas laisser le temps aux détracteurs de « l’éreinter avant le scrutin ». Mais comme le reconnaît le Dr Delphin Tanvè, politiste, « désigner directement son dauphin est la meilleure façon de cracher dans sa propre réforme du système partisan qui veut qu’aucun présidentiable ne soit désigné en dehors des partis ». De peur d’être confronté à sa propre contradiction et sous la pression de ses proches prétendants à sa succession, Patrice Talon consent à ouvrir le processus de désignation des candidats au sein des partis.

Le 28 avril, Patrice Talon a convié, dans la plus grande discrétion, les leaders de l’UP-R et du BR à une réunion décisive dans sa résidence privée. Objectif : poser les jalons d’une candidature unique au sein du camp présidentiel. Le consensus est rapidement trouvé : chaque parti désignera un duo présidentiel à travers des primaires internes, avant qu’un choix définitif ne soit opéré lors d’un conclave final, prévu chez Talon, le 15 août. Si le candidat à la présidence est obtenu par un parti, celui à la vice-présidence sera désigné dans l’autre parti. La perspective de primaires au sein des partis a enchanté la plupart des militants de la majorité présidentielle, satisfaits de la démarche unitaire et de la discipline de groupe qui vont présider à la désignation d’un duo unique de candidats. Mais l’euphorie n’a duré qu’un feu de paille.

Au Bénin, Patrice Talon dicte le tempo d’une succession sous haute tension