Les résultats des législatives en Côte d’Ivoire promettaient d’être analysés de près. Le scrutin, organisé le 6 mars, était le plus ouvert depuis plus de deux décennies. Jamais depuis 2000, les trois principales forces politiques du pays ne s’étaient plus alignées les unes contre les autres. Cette fois, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le mouvement du président Alassane Ouattara, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et surtout le Front populaire ivoirien (FPI), la formation de Laurent Gbagbo, qui boycottait toutes les élections depuis la crise de 2010, étaient en lice.
Les enjeux étaient doubles. Le pouvoir, et le président en particulier, espéraient que ce vote permettrait d’apaiser les tensions nées de la présidentielle d’octobre. Celle-ci avait été boudée par l’opposition pour protester contre le troisième mandat du président Ouattara et minée par des violences ayant causé la mort de 80 personnes. Pour l’opposition, qui se présentait dans une union PDCI-FPI dans la plupart des circonscriptions, il s’agissait de mesurer sa force et de revenir dans le jeu.
Les paris sont globalement réussis. La présidence peut se réjouir d’un scrutin qui s’est tenu dans le calme, même si la participation, un peu moins de 38 %, est décevante. L’opposition peut, elle, se satisfaire d’avoir fait bonne figure, même si elle n’atteint pas son objectif avoué de rafler la majorité des sièges, aussi ambitieux qu’irréaliste pour l’instant. « Le FPI n’était pas en ordre de bataille et le PDCI est fragilisé par son manque de leadership. Si on ajoute l’énorme disparité de moyens avec le RHDP, les chances étaient très minces », explique un diplomate en poste à Abidjan.
Des gestes d’ouverture nécessaires
Le RHPD conserve donc sa majorité absolue avec 137 élus (sur 254 sièges). Il échoue cependant à améliorer son score et à s’assurer la majorité des deux-tiers, but que s’étaient fixé les instances du RHDP. L’alliance PDCI-FPI disposera de 50 députés, le reste étant composé d’indépendants, de barons locaux ou de dissidents de l’un ou l’autre des partis. Si ce bilan peut sembler modeste en ne faisant qu’entériner un rapport de force inchangé, les opposants peuvent y trouver des motifs de satisfaction.
Ils ont ainsi repris Yopougon, l’immense quartier populaire d’Abidjan, fief historique de Laurent Gbagbo et plus grande circonscription du pays avec 500 000 électeurs. Michel Gbagbo, le fils aîné de l’ancien président, un temps incarcéré, fera donc son entrée à l’assemblée nationale, comme quelques autres figures des « GOR », les « Gbagbo ou rien ». L’alliance a conquis plusieurs quartiers de la capitale économique.
Le PDCI peut se féliciter de ses victoires dans ses bastions, à Gagnoa ou Daoukro, même si la défaite à Yamoussoukro, la capitale politique et cœur du pays baoulé, est amère. De son côté, le RHDP confirme son hégémonie complète sur le nord du pays et son implantation dans le Sud, mais doit déplorer la déroute de plusieurs ministres. « Cette nouvelle assemblée va permettre de relancer le dialogue mais le pouvoir doit faire encore des gestes d’ouvertures pour vraiment obtenir une pacification », analyse le diplomate.
La première sera d’ouvrir le gouvernement et de tendre la main. La formation de cette nouvelle équipe pourrait cependant se faire attendre un peu alors que la santé du premier ministre, Hamed Bakayoko, soigné d’abord en France et depuis peu en Allemagne, suscite de grandes inquiétudes.
L’autre dossier est le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, qui vit toujours à Bruxelles depuis son acquittement en 2019 par la Cour pénale internationale (CPI). Sans l’avouer directement, le pouvoir avait suspendu ce voyage à deux conditions : la tenue dans le calme des législatives et l’examen de l’appel contre l’acquittement introduit auprès de la CPI. La première condition est remplie. (Le Figaro)