Une procureure américaine de l’Etat de Georgie a été inculpée jeudi pour entrave à l’enquête après avoir protégé des suspects dans le meurtre d’Ahmaud Arbery, un joggeur noir tué par balles par des hommes blancs.
Jackie Johnson était du côté de la justice, elle est désormais inculpée. Cette ancienne procureure américaine de Georgie, est accusée d’avoir fait entrave à l’enquête sur la mort d’Ahmaud Arbery, un joggeur noir tué par balles alors qu’il n’était pas armé. La procureure aurait violé son serment de magistrate en empêchant notamment l’arrestation de l’un des suspects. Ahmaud Arbery a été tué en février 2020. Cet homme noir, qui faisait son jogging, a été pris en chasse par trois hommes blancs avant d’être abattu en pleine rue. En avril dernier, le Département à la Justice a annoncé les avoir inculpés pour crime de haine et tentative d’enlèvement. Les trois suspects, un père, son fils et un ami, qui plaident non coupable, affirment de leur côté avoir pris leur victime pour un cambrioleur et nient toute implication raciste.
Il a fallu plusieurs mois et la mobilisation de militants sur les réseaux sociaux et dans les médias pour que cette affaire soit traitée comme il se doit et que les suspects soient interpellés. Après le meurtre, le procureur de l’époque avait écrit une lettre expliquant que le père et son fils ne devaient pas être arrêtés parce qu’ils avaient «une raison solide» de penser qu’Ahmaud Arbery était suspect de cambriolages. George Barnhill, le procureur qui a signé le document, a fini par se récuser dans cette affaire. Tout comme Jackie Johnson, procureure adjointe, tous les deux en raison d’un possible conflit d’intérêts. Gregory McMichael est en effet un ancien enquêteur auprès du procureur du département judiciaire de Brunswick. Selon l’acte d’accusation, Jackie Johnson, qui nie tout manquement, aurait «montré des faveurs et de l’affection» envers Gregory McMichael et aurait ordonné aux policiers de ne pas l’arrêter.
De nombreux messages racistes
Cette inculpation, très rare aux Etats-Unis, marque un véritable tournant dans cette affaire, alors qu’elle a bien failli être étouffée à l’époque. C’est une vidéo, filmée par l’un des suspects qui pensait pouvoir l’utiliser pour se disculper, qui a fait éclater le scandale. Un militant qui a récupéré les images du crime a posté les derniers instants de la victime sur les réseaux sociaux, provoquant une vague immédiate de colère.
La chaîne ABC a réussi à obtenir, en janvier dernier, la vidéo filmée depuis la caméra accrochée à l’uniforme de l’un des agents de police présent après le meurtre. Les images montrent les enquêteurs parler à Gregory et Travis McMichael. «S’il s’était arrêté, cela ne serait pas arrivé», expliquent le père et le fils. Les deux racontent avoir tiré sur la victime pour se défendre alors qu’il cambriolait une maison du voisinage. William Bryan, le troisième homme, qui a filmé toute la scène avec son propre matériel, est lui aussi interrogé par les agents et reconnait avoir poursuivi Ahmaud Arbery avant de le bloquer. Ce dernier aurait à ce moment-là proféré des insultes racistes alors que la victime était blessée. Au cours de l’enquête, plusieurs éléments à charge ont également été présentés contre les suspects. Il a notamment été révélé que William Bryan aurait entendu son ami Travis McMichael traiter de «putain de nègre» Ahmaud Arbery après lui avoir tiré dessus. Par ailleurs, alors qu’ils affirment avoir été témoins d’une tentative de cambriolage, aucun n’a prévenu la police avant de se mettre à sa poursuite. Ahmaud Arbery aurait tenté de s’échapper mais les suspects l’en auraient empêché. William Bryan aurait même percuté le jeune homme avec son camion pour le retenir.
Les McMichael sont soupçonnés de racisme, notamment en raison de messages dans lesquels Travis qualifie les noirs de «drogués avec des dents en or». Si les avocats des deux hommes affirment que le crime n’a pas été motivé par une quelconque haine raciste, ils ont toutefois concédé par le passé que l’un d’eux a publié sur Facebook un post repris de la page «Identity Dixie» qui évoquait le fait «d’empêcher les étrangers de nous faire la leçon sur nos ancêtres». Cette page est décrite comme «ayant pour but de prédilection de protéger les monuments confédérés». (Paris Match)