Le Maroc a enfin son nouveau gouvernement. Jeudi 7 octobre, le roi Mohammed VI a nommé le nouvel exécutif, qui sera dirigé par Aziz Akhannouch, homme d’affaires marocain considéré comme un proche du palais royal. Sa tâche première ne sera pas des moindres : il lui faudra redresser le pays face à une crise sanitaire majeure, et alors que le royaume est également confronté à de grandes inégalités sociales. Au sein de ce nouveau gouvernement, composé largement de technocrates, les titulaires déjà en poste dans les ministères régaliens sont reconduits.
Ainsi, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita est maintenu dans ses fonctions dans un contexte de tensions régionales, notamment avec l’Algérie. Abdelouafi Laftit garde le portefeuille de l’Intérieur. Constitué de 24 ministres, ce nouveau cabinet est « un mix entre des ministres chevronnés et de jeunes compétences », a déclaré à l’Agence France-Presse le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas. Il compte sept femmes contre quatre dans le précédent gouvernement.
Les trois partis de la majorité gouvernementale vainqueurs
Arrivés en tête aux législatives du 8 septembre, les trois partis de la majorité gouvernementale, le RNI (Rassemblement national des indépendants) d’Aziz Akhannouch, le PAM (Parti de l’authenticité et la modernité), tous deux de tendance libérale, et le parti historique de l’Istiqlal (PI, centre droit), se partagent les maroquins. Grand vainqueur du scrutin, le RNI conserve les portefeuilles stratégiques de l’Agriculture, où succède à Aziz Akhannouch son numéro deux au ministère, Mohamed Sadiki, et de l’Économie, avec Nadia Fettah, ex-ministre du Tourisme.
Il obtient également l’important ministère de la Santé, avec Nabila Rmili, également nouvelle maire de Casablanca, la capitale économique. Le parti d’Aziz Akhannouch, décrit comme un homme de confiance de la maison royale, avait fait une razzia sur la Chambre des représentants lors des élections, raflant 102 des 395 sièges et délogeant les islamistes au pouvoir depuis une décennie.
Le PAM, lancé en 2008 par un conseiller royal, Fouad Ali El Himma, hérite, lui, de la Justice et de l’Aménagement du territoire. Quant à l’Istiqlal (« Indépendance »), le plus ancien parti du Maroc fondé dans les années 1940, il a gagné les postes de l’Équipement et de l’Industrie.
Réduire les inégalités sociales
Cible de critiques sur le niveau scolaire et la qualité de l’enseignement public, l’Éducation nationale, en quête de réforme, revient à l’actuel ambassadeur du Maroc en France, Chakib Benmoussa. Cet ex-ministre de l’Intérieur est également président de la commission, mandatée par le monarque, qui a élaboré le « nouveau modèle de développement (NMD) », un pacte politique établissant les priorités socio-économiques du royaume.
Cette feuille de route a pour objectif de répondre au ralentissement de la croissance et de réduire les profondes inégalités qui frappent le Maroc. Elle ambitionne de doubler le PIB par habitant à l’horizon 2035. « Le gouvernement se base sur deux piliers : les programmes des trois partis qui composent le cabinet ainsi que les conclusions du NMD », a souligné son porte-parole.
Le gouvernement Akhannouch devra faire face aux lourdes répercussions de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 : l’économie s’est contractée de 7 % en 2020, le taux de chômage a bondi à 11,9 % la même année et les disparités sociales se sont creusées, d’après les rapports officiels. L’exécutif aura aussi pour mission de mener à bien l’ambitieux projet de généralisation de la couverture médicale pour 22 millions de Marocains (sur près de 36 millions) d’ici à 2025, comme annoncé par le souverain en 2020.
Qui est Aziz Akhannouch ?
« La priorité aujourd’hui est le programme gouvernemental qui est prêt et qui sera présenté au Parlement pour obtenir le vote de confiance », a précisé à l’Agence France-Presse Mustapha Baitas. En principe, une formalité. Discret, Aziz Akhannouch possède l’une des plus grosses fortunes du Maroc, estimée à 2 milliards de dollars selon le magazine spécialisé Forbes. Par le passé, il a fait l’objet de vives critiques de collusion entre milieux des affaires et politique. Ce businessman dirige une tentaculaire holding, Akwa Group, qui opère principalement dans les hydrocarbures et l’immobilier. Au lendemain de sa nomination à la tête du gouvernement, il a annoncé son retrait de « toute gestion » de la holding familiale.
En 2011, dans le contexte du Printemps arabe, le Maroc avait adopté une nouvelle Constitution accordant de larges prérogatives au Parlement et au gouvernement, plus proches des standards de la monarchie parlementaire, tout en consacrant un rôle central pour le roi, dont émanent les décisions et les orientations majeures dans des secteurs clés. (Le Point)