Des scènes de liesse ont retenti dans les paroisses chrétiennes du Mali à l’annonce de la libération de Gloria Cecilia Narváez Argoti, samedi soir. Dans les foules brandissant des portraits de la sœur franciscaine enlevée le 7 février 2017 par des jihadistes à Karangasso, ville située à plus de 400 kilomètres à l’est de Bamako, des cris de joie, des pleurs et des prières sont venus acclamer une «libération divine».
«Nous avons célébré toute la nuit par les tambours et les danses. Nous n’avons jamais désespéré. Mais hier soir [samedi, ndlr] lorsqu’on a prié, personne ne s’attendait à apprendre sa libération au téléjournal», lance Basile Dembélé, curé de Sikasso. Dans la capitale malienne, les prêches matinaux du dimanche ont «rendu grâce à notre chère sœur Gloria, raconte l’abbé Félix Coulibaly. Cela fait quatre ans et huit mois que nous prions tous les jours. Nos prières ont enfin été exaucées».
Yeux verts pétillants
C’est par un tweet, à 18h57 samedi soir, que la présidence malienne a annoncé la libération de l’otage d’origine colombienne détenue par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ; Jnim, selon l’acronyme en arabe), l’un des principaux groupes jihadistes au Sahel, branche d’Al-Qaeda. Le communiqué souligne «le courage et la bravoure de la sœur», précisant que cette libération est «le couronnement de quatre ans et huit mois d’efforts conjugués de plusieurs services de renseignements».
Sous un châle jaune, les yeux verts pétillants, mais la mine fatiguée, sœur Gloria a remercié «Dieu, les autorités maliennes et tous les efforts pour nous faire libérer. Que Dieu vous bénisse et bénisse le Mali», a-t-elle prononcé dans le palais présidentiel de Koulouba. A ses côtés, le cardinal Jean Zerbo, archevêque de Bamako et le colonel Assimi Goïta, président de la transition malienne. Dès dimanche, elle était reçue au Vatican par le pape François.
Sauver deux jeunes sœurs
Gloria Cecilia Narváez Argoti, 59 ans, travaillait dans l’orphelinat de Karangasso depuis six ans comme missionnaire lorsqu’elle a été enlevée par des hommes armés. Alors qu’ils s’apprêtaient à kidnapper deux jeunes sœurs de la paroisse, Gloria Narváez se serait interposée, selon la supérieure générale de la congrégation, exigeant des assaillants qu’ils la prennent à leur place. Un acte de bravoure qui a marqué la communauté chrétienne du Mali (5 % de la population) et surtout ses collègues.
«C’est une personne engagée qui aime son travail, se souvient le curé Basile Dembélé, qui a travaillé avec elle dans la région de Sikasso. Elle était totalement dirigée vers sa mission : l’aide aux enfants. Elle menait aussi beaucoup d’actions de promotion féminine. C’est une sœur de foi et de confiance, au courage remarquable.» La sœur appartient aux Franciscaines de Marie immaculée, une congrégation d’origine suisse fondée en 1893 et présente dans 17 pays.
En 2018, la religieuse apparaît dans une vidéo de propagande du Jnim qui la met en scène en train de donner de l’eau et d’essuyer le visage de Sophie Pétronin, l’otage française libérée le 8 octobre 2020. C’est la première preuve de vie après plus d’un an dans le désert avec ses ravisseurs. Sophie Pétronin y décrit leurs rudes conditions de détention, l’ennui, la chaleur et évoque Gloria «qui m’aide considérablement, car je suis vraiment fatiguée».
La vidéo montre la sœur franciscaine, face caméra. Elle demande alors au pape François «d’intervenir pour son cas et celui de Mme Pétronin». Et dit préparer son bagage tous les jours, car «j’attends ma liberté». Ce dimanche, après qu’elle a quitté Bamako, le souverain pontife l’a reçue à la basilique Saint-Pierre de Rome.
«De l’espoir»
Cette libération tant attendue est indéniablement une victoire, aussi, pour le gouvernement de transition malien, dans un contexte de fortes tensions avec les partenaires internationaux, au premier plan desquels la France. Alors qu’Olivier Dubois, seul otage français au monde, est aux mains du même Jnim, cette libération montre que les autorités de Bamako ont toujours les capacités de négocier avec les groupes armés.
Une nouvelle heureuse qui arrive le lendemain des six mois de détention du journaliste de Libération, du Point et de Jeune Afrique, enlevé le 8 avril à Gao, dans le nord du Mali. «Ça me redonne de l’espoir, confie Déborah al-Hawi al-Masri, la mère de ses enfants. Je pensais souvent à sœur Gloria. Elle qui n’a pas d’enfants, ni de conjoint, juste une mère très âgée. Ça me préoccupait beaucoup. Elle a eu une détention compliquée. Mais j’essaie de ne pas me focaliser sur la longueur de l’enlèvement. Quatre ans et huit mois, c’est si long, ça me fait peur pour Olivier.»
Déborah al-Hawi al-Masri poursuit : «J’ai montré la photo de Gloria à mes enfants en leur expliquant que comme papa, elle était restée longtemps dans le désert, mais qu’elle était sortie libre et en bonne santé», dit-elle. Avec un espoir vibrant dans la voix. (Libération)