C’est déjà arrivé par le passé, mais cette fois-ci, la demande semble revêtir une certaine insistance. Lundi 1er novembre au soir, le gouvernement chinois a appelé la population à constituer des réserves de nourriture. Un avis affiché sur le site internet du ministère du Commerce invite « les ménages à stocker une certaine quantité de produits de première nécessité afin de faire face aux besoins quotidiens et aux cas d’urgence ».
Le ministère appelle aussi les différentes autorités locales à faciliter la production agricole et les flux d’approvisionnement, à surveiller les réserves de viande et de légumes et à maintenir la stabilité des prix. L’avis ne précise pas la raison de cet appel ni si le pays est menacé de pénurie alimentaire, mais il intervient après des intempéries et au moment où le pays tente de combattre un regain épidémique limité.
La peur d’une nouvelle vague
Au plus fort de l’épidémie de Covid-19 en Chine au début de 2020, les chaînes d’approvisionnement avaient été perturbées par la mise en quarantaine de plusieurs régions du pays et le blocage de nombreux axes routiers. A l’approche des jeux Olympiques d’hiver à Pékin en février prochain, le pouvoir redoute une nouvelle flambée épidémique et a pris ces dernières semaines des mesures radicales à la suite de l’apparition de foyers sporadiques de Covid-19 dans le nord du pays.
Au moins 6 millions de personnes ont été confinées, notamment dans la grande ville de Lanzhou, à 1 700 km à l’ouest de Pékin. Le nombre de cas constatés reste cependant très bas par rapport aux bilans enregistrés dans le reste du monde. Seuls 71 nouveaux cas de contamination ont été annoncés mardi pour les dernières vingt-quatre heures, après 92 cas lundi, soit le décompte national le plus lourd depuis la mi-septembre.
Risques climatiques
L’été dernier, le pays avait été frappé par des inondations qui ont perturbé la production agricole et poussé à l’inflation. En octobre, les prix de 28 denrées alimentaires étaient en hausse de 16 % par rapport au mois précédent, a rapporté lundi la presse chinoise, s’appuyant sur des données officielles. Les légumes, tels que les concombres, les brocolis ou les épinards, sont particulièrement touchés. Les épinards se vendaient même plus chers que des tranches de porc dans la province de Shandong.
Le gouvernement chinois a toujours encouragé à la production et au stockage de denrées à l’approche de l’hiver et du Nouvel An lunaire, qui débutera le 1er février 2022 et durera deux semaines. Mais cette année, les dérèglements climatiques menacent encore davantage les récoltes. En septembre, des précipitations d’une intensité inhabituelle sont aussi tombées en sur le nord de la Chine et ont détruit des plantations dans le Shandong, plus grosse province productrice de légumes du pays. Selon Reuters, le gouvernement a aussi annoncé à la télévision, lundi dans la soirée, que le pays prévoyait de libérer des stocks de légume « au moment approprié » pour faire barrage à l’inflation, sans que la nature des légumes ni la quantité des stocks ne soient précisées.
Les tensions avec Taïwan en cause ?
Pour des internautes chinois, si le gouvernement est particulièrement insistant cette année, ce n’est pas pour des raisons épidémiques ou environnementales mais plutôt une précaution en réaction aux dernières tensions entre la Chine et l’Etat insulaire de Taïwan.« Taïwan, une démocratie à l’ombre de la Chine », la démocratie 2.0
Sur Weibo, l’équivalent de Twitter en Chine, l’annonce du ministère du Commerce a suscité plusieurs milliers de commentaires, dont certains suggérant que les stocks alimentaires étaient demandés à la population en prévision d’une attaque militaire de Taïwan, toujours d’après Reuters. En guise de réponse, le quotidien économique national communiste a demandé aux citoyens de ne pas avoir « trop d’imagination » et queles directives du gouvernement étaient faites pour s’assurer que les citoyens ne manquent pas vivres en cas d’un confinement dans leur région.
Dans tous les cas, les récentes demandes du gouvernement chinois s’inscrivent bien dans un contexte international. La Chine est déjà le premier importateur mondial de produits alimentaires et c’est une situation qui la rend vulnérable aux tensions diplomatiques, comme celles en cours avec ses gros fournisseurs comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie.La Chine est-elle vraiment « isolée » ? Pas si l’on décentre notre regard
L’an dernier, le président Xi Jinping avait déjà appelé ses concitoyens à économiser la nourriture et dénoncé les gâchis alimentaires. Le pays a dans son histoire été frappé par des épisodes de famine, notamment à la fin des années 1950 et au début des années 1960, lorsque la collectivisation des terres imposée par le régime communiste a fait des dizaines de millions de morts dans les campagnes. (L’Obs)