En l’absence de preuves irréfutables, on savait ne pas tout savoir du « patient zéro », celui qui a développé le premier les symptômes du SRAS-CoV-2. Un éminent scientifique américain, Michael Worobey, affirme que le premier serait une vendeuse de fruits de mer qui travaillait au marché Huanan des animaux de Wuhan (Chine). Chef du département d’écologie et de biologie évolutive de l’université de l’Arizona, Michael Worobey comptait pourtant parmi la quinzaine d’experts qui ont publié mi-mai une tribune appelant à considérer sérieusement l’hypothèse d’une fuite du laboratoire de biosécurité de l’Institut de virologie de Wuhan. Dans l’article qui a publié hier dans la très sérieuse revue Science, il écrit que ses recherches « livrent des preuves solides en faveur d’une origine de la pandémie via un animal vivant » de ce marché. Worobey a analysé les cas rapportés par deux hôpitaux avant que l’alerte ne soit donnée le 30 décembre. Soit ils sont liés au marché soit ils sont géographiquement concentrés autour de lui. « Dans cette ville de 11 millions d’habitants, la moitié des premiers cas sont liés à un lieu de la taille d’un terrain de foot », a relevé le virologue dans une interview au New York Times. « Cela devient très difficile d’expliquer cette tendance si l’épidémie n’a pas démarré dans ce marché ».
Une étude conjointe de la Chine et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pratiquement exclu la théorie selon laquelle le Covid-19 serait né dans un laboratoire, affirmant que l’hypothèse la plus probable était qu’il avait infecté l’homme naturellement, certainement par le biais du commerce d’animaux sauvages. Le rapport des experts de l’OMS affirmait que le premier cas identifié était tombé malade le 8 décembre. La confusion viendrait de problèmes dentaires Michael Worobey a disséqué de multiples éléments, parmi lesquels des interviews vidéo, un cas décrit dans un article scientifique et le dossier médical d’un patient hospitalisé qui coïncide avec cet homme de 41 ans identifié comme le premier cas connu. Comptable de profession, il n’avait pas de lien avec le marché aux animaux, n’est tombé malade que le 16 décembre, et non le 8.
La confusion viendrait de problèmes dentaires qu’il a eus le 8 décembre. « L’apparition de ses symptômes est survenue après de multiples cas chez des travailleurs du marché », indique l’étude. Dès lors, le premier cas connu devient une femme, vendeuse de fruits de mer, qui est tombée malade le 11 décembre. Interrogé par le New York Times, Peter Daszak, qui faisait partie des experts envoyés par l’OMS à Wuhan en janvier 2021, malgré ses liens avec le laboratoire controversé, a reconnu que « la date du 8 décembre était une erreur ». Vers la fin décembre 2019, les médecins de plusieurs hôpitaux de Wuhan avaient prévenu les autorités de mystérieux cas de pneumonie survenant chez des personnes qui travaillaient au marché de gros de Wuhan, un espace humide et mal ventilé où étaient vendus des poissons, des fruits de mer, mais aussi des chiens, des volailles et des animaux sauvages vivants.
Craignant une réapparition du SRAS, qui avait surgi sur les marchés animaliers de Chine en 2002, les autorités avaient fermé le marché le 1er janvier 2020. Malgré cette précaution, les cas s’étaient multipliés dans la ville, conduisant à son isolement strict puis à la pandémie. À lire Worobey, la plupart des premiers cas symptomatiques connus sont liés à la section ouest du marché où des chiens martre, ou chiens viverrins, étaient gardés en cage. Ces éléments constituent, selon lui, une preuve solide de l’origine animale de la pandémie.
Peut-on en déduire que cette race de chien, appelée « racoon dogs » en anglais, pourrait être le chaînon manquant ? Après avoir cru que le pangolin avait été le maillon de transmission entre la chauve-souris et l’homme, à tort, on ignore toujours quel animal a pu transmettre le virus. En 2002, c’est la civette qui avait été reconnue coupable. L’OMS a proposé le mois dernier de créer un nouveau groupe d’experts pour enquêter sur l’origine du coronavirus. (Le Parisien)