Le président sortant de la Gambie Adama Barrow a été, dimanche, officiellement déclaré vainqueur de la présidentielle par la commission électorale. Avant même la proclamation finale, ses adversaires ont dit contester ces résultats et se réserver « tous les moyens d’action ».
Le sortant Adama Barrow a été officiellement déclaré vainqueur de la présidentielle en Gambie, dimanche 5 décembre, par la commission électorale. Il est arrivé en tête, après décompte de la quasi totalité des votes, au lendemain d’un vote crucial pour une jeune démocratie qui cherche à surmonter son passé dictatorial.
Mais ses adversaires ont dit contester ces résultats avant même la proclamation finale, et se réserver « tous les moyens d’action ».
Adama Barrow, dont l’accession à la présidence il y a cinq ans avait mis fin à plus de vingt ans de dictature, devançait clairement son principal concurrent, Ousainou Darboe, dans la quasi totalité des quelque 50 circonscriptions (sur 53) dont la commission électorale avait communiqué les résultats dimanche en fin d’après-midi.
L’élection, qui a eu lieu samedi, se joue sur un seul tour.
Le camp d’Adama Barrow a commencé à célébrer dans les rues de Banjul.
« Accepter de bonne foi l’issue de cette élection »
« À ce stade nous rejetons les résultats annoncés jusqu’à présent » par la commission, a dit devant la presse Ousainou Darboe, au côté de deux autres des six concurrents.
« Tous les moyens d’action sont sur la table », a-t-il ajouté en appelant « tous les Gambiens à rester calmes et pacifiques » le temps que des investigations soient conduites. Les représentants de ces candidats présents lors des opérations de comptage ont constaté « un certain nombre de problèmes », a-t-il dit.
Les Gambiens se sont pressés en masse dans les isoloirs samedi, et, en guise de bulletin, ont voté avec une bille introduite par un tuyau dans un des bidons aux couleurs et à l’effigie de chaque candidat, procédé institué sous la colonisation à cause d’un illettrisme largement répandu.
Environ un million de Gambiens, sur une population de deux millions, étaient appelés à choisir parmi six candidats, tous des hommes, celui qui dirigera pendant cinq ans le plus petit pays d’Afrique continentale, qui est aussi l’un des plus pauvres au monde.
L’élection était annoncée comme un duel entre le sortant Barrow et l’opposant historique Darboe.
Cinq ans après la fin de la dictature, la consolidation démocratique est un des enjeux de l’élection. Le sort de l’ancien dictateur Yahya Jammeh et la crise économique en sont d’autres.
La communauté internationale sera attentive à l’acceptation ou la contestation par les perdants des résultats officialisés par la commission, a dit un haut diplomate international parlant de « moment capital ».
La Communauté des États ouest-africains (Cédéao), acteur majeur de la crise post-électorale de 2015 et du départ contraint du dictateur Jammeh, a appelé dans un communiqué « tous les candidats à accepter de bonne foi l’issue de cette élection qui n’aura ni gagnant, ni perdant, mais un seul vainqueur, le peuple gambien ».
Il y a cinq ans, Adama Barrow, ancien promoteur immobilier aujourd’hui âgé de 56 ans et alors quasiment inconnu, avait déjoué les pronostics et battu le dictateur Jammeh après plus de vingt ans de régime caractérisé par une multitude d’atrocités commises par l’État et ses agents : assassinats, disparitions forcées, viols, actes de torture…
Crise économique
Yahya Jammeh, qui refusait de reconnaître sa défaite, a été forcé de s’exiler en Guinée équatoriale sous la pression d’une intervention militaire ouest-africaine.
La présidentielle de 2021 est la première sans lui depuis 1996.
Adama Barrow revendique le retour des libertés, la construction de routes et de marchés, et la pacification des relations avec la communauté internationale.
Ousainou Darboe, 73 ans, avocat, quatre fois deuxième derrière Yahya Jammeh à la présidentielle, accuse M. Barrow d’avoir manqué à tous ses engagements pour rester au pouvoir.
Adama Barrow est revenu sur sa promesse initiale de ne rester que trois ans au pouvoir. Il a beaucoup atténué ses engagements passés à faire rendre des comptes aux responsables des crimes des années Jammeh.
Son parti nouvellement créé a au contraire noué une alliance avec celui de l’ancien autocrate.
Le prochain président devra décider s’il suit ou non les recommandations d’une commission chargée d’enquêter sur la période Jammeh, qui a demandé que les responsables des crimes commis à cette époque soient jugés.
Des Gambiens interrogés par l’AFP exprimaient d’autres préoccupations.
Près de la moitié des Gambiens vivent sous le seuil de pauvreté. Le pays a été durement touché par le Covid-19. En dehors de l’agriculture, le pays, avec ses plages sur l’Atlantique, vivait du tourisme, dont les flux se sont taris. Les Gambiens souffrent du chômage, de l’augmentation des prix du riz, du sucre ou de l’huile, et du manque d’accès aux soins. (France24)