Le Soudan est devenu en quelques années le troisième producteur d’or d’Afrique. Une activité très artisanale qui échappe encore aux géants du secteur et qui ferait vivre près de deux millions de personnes.
La mort tragique le 26 décembre de 31 mineurs, ensevelis dans l’effondrement de la mine où ils travaillaient, rappelle l’importance de la production d’or au Soudan, troisième producteur africain après l’Afrique du Sud et le Ghana.
Depuis la partition en deux du Soudan en juillet 2011, Khartoum a perdu les riches champs pétroliers au bénéfice du Soudan du Sud. Le pays s’est alors considérablement appauvri et cela se ressent encore dix ans plus tard. Il reste cependant l’or, un minerai dont le cours mondial ne cesse de se réévaluer. Le pays en a extrait 76 tonnes en 2019, contre moins de la moitié cinq ans plus tôt.
Un rebond dû à la politique de l’ancien chef d’Etat Omar el-Béchir qui a fait construire une raffinerie d’or à Khartoum. L’usine est par sa taille l’une des plus importantes du continent. En parallèle, les exportations d’or ont été interdites afin que le pays conserve la plus-value du raffinage. L’opération a plutôt bien fonctionné et la production augmenté. En 2016, le Soudan déclarait avoir atteint 93,4 tonnes d’or, soit 4% du PIB contre 1% en 2009, à la veille de la séparation du Soudan du Sud.
En revanche, l’idée d’industrialiser le secteur en interdisant le minage artisanal a été abandonnée. Les mineurs artisanaux sont en effet la colonne vertébrale de l’exploitation aurifère au Soudan, comme dans de nombreux pays d’Afrique. Ils assurent entre 85 et 90% de la production et font vivre des milliers de Soudanais, l’AFP avance le chiffre de deux millions de personnes. Le secteur a été encouragé par les autorités qui ne pouvaient, faute de capitaux, investir dans des structures industrielles. Jugé « Etat voyou », pro-terroriste, le pays était sous embargo américain depuis 1997.
Le terme d’artisanal ne doit pas méprendre. Il évoque plus la structure de production en petits groupes que le minage lui-même qui a recours à la mécanisation. Non seulement ces mineurs produisent, mais ils jouent aussi un rôle de prospecteurs en découvrant de nouveaux filons pour la plus grande joie des entreprises minières. Le pays est vaste et encore très peu exploré.
Selon Raphaëlle Chevrillon-Guibert, auteure d’une étude sur « le boom de l’or au Soudan », « le régime souhaite donc éradiquer l’exploitation artisanale à long terme, mais il agit conformément à son intérêt immédiat en la tolérant pour atteindre des quotas de production suffisants pour rééquilibrer sa balance monétaire et pour préserver les emplois ».
Ainsi, le pouvoir central fait les yeux doux aux investisseurs étrangers, alors que dans son sous-sol des milliers de petites mains grattent la terre au péril de leurs vies, comme on peut le voir dans le tragique fait divers du 26 décembre. « Aujourd’hui, plus de 130 entreprises dont 15 étrangères disposent de licences », précise Raphaëlle Chevrillon-Guibert.
Autre concession faite au secteur industriel, les exportations d’or ne sont plus interdites. Depuis le 1er janvier 2020, la Banque centrale soudanaise n’a plus le monopole de l’achat d’or. Les compagnies peuvent vendre jusqu’à 70% de leur production à l’étranger, à condition que le revenu de ces ventes soit placé dans des banques soudanaises.
Deux compagnies majeures travaillent déjà dans le pays : le canadien Orca Gold sur un site proche de la frontière avec l’Egypte. De son côté, le marocain Managem a lancé en 2019 une unité industrielle de production d’or qui doit sortir deux tonnes annuellement. « Le pays a beaucoup à offrir », note encore l’agence Ecofin. Les réserves sont estimées à plus de 500 tonnes d’or et le gouvernement a déjà défini 160 nouveaux blocs d’exploration. La moitié d’entre eux contiendrait de l’or… (FranceInfo)