Ces derniers 18 mois, il y a eu sept coups ou tentatives de coups d’État sur le continent africain: au Burkina Faso, au Tchad, en Guinée, au Mali, au Soudan, les militaires sont parvenus à s’emparer du pouvoir. Au Niger et en Guinée-Bissau, ils ont échoué. La preuve pour Nana Akufo-Addo, président de la République du Ghana et président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’un phénomène «contagieux», peut-on lire dans le magazine Vox.
Pour le professeur Joseph Siegle qui dirige le programme de recherche du Centre d’études stratégiques de l’Afrique, c’est en partie vrai: «Oui, dans une perspective globale, une sorte de tendance se dessine après une période avec moins de coups, c’est possible qu’il y ait une forme d’imitation.»
Joseph Sany, vice-président de la session africaine de l’institut américain pour la paix pense qu’il est dommage de parler de «contagion» pour autant. S’il voit des points communs à ses coups –des gouvernements corrompus, des institutions affaiblies, un gouvernement défaillant pour sa population– il estime que les circonstances divergent. Avec un risque majeur: que la communauté internationale ne prenne pas au sérieux ces mouvements et n’aide pas ces nations à construire un avenir démocratique stable.
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Circonstances
Au Mali et au Burkina Faso, les gouvernements faisaient face, avant les coups, à une extrême violence de la part de l’État islamique et Al-Qaïda. Dans ces deux pays, les juntes militaires ont utilisé cette menace pour justifier leur coup. Au Burkina Faso, la présence de l’État islamique est encore plus forte néanmoins.
L’histoire de la Guinée-Bissau est celle de nombreuses tentatives de prises de pouvoir depuis son indépendance du Portugal en 1974. Le président en place a été élu dans des circonstances contestées en 2020, ainsi la dernière tentative de coup avait pour but de l’en chasser. En Guinée, c’est une tentative de modification de la constitution pour que l’ancien président puisse prétendre à un troisième mandat consécutif qui a mené les militaires à attaquer.
Les manières de procéder des militaires ont également été différentes. Au Tchad, c’est le fils de l’ancien président, maintenu au pouvoir 30 ans, qui a été installé afin de créer un gouvernement de transition. Au Soudan, c’est un coup en plusieurs étapes qui a eu lieu, d’abord avec des manifestations du peuple en 2019 pour mettre fin à la dictature puis une prise de pouvoir militaire en 2020 pour installer un nouveau dirigeant en 2022.
Pour les deux experts interrogés par Vox, parler de contagion évite aussi de parler de l’influence des autres nations dans ce type de coups, que ce soit la Russie, la Chine ou le Qatar. Alors même que l’instabilité créée par un coup peut faciliter la prise de pouvoir extérieur.
Les militaires «ne proposent pas de programme réformiste ou de retour à la démocratie ou d’amélioration du gouvernement ou de réduction de la corruption», autant de raisons pour lesquelles, selon Siegle, les coups pourraient échouer au long-terme. Surtout si la communauté internationale ne s’intéresse pas à ce dont la population a réellement besoin: de justice, de transparence, d’institutions stables et de transition démocratique. (slate.fr)