En Éthiopie, les réfugiés érythréens, coincés dans le Tigré, ont vécu pendant toute la guerre un cauchemar sans issue et se trouvent toujours aujourd’hui dépourvus de tout. C’est la conclusion d’un rapport d’enquête produit par deux universitaires érythréens et une militante des droits de l’homme sur la base d’une centaine de témoignages.
Intitulé « Entre le marteau et l’enclume », ce rapport détaille les expulsions hors de leurs camps de fortune, les kidnappings, le racket et les brutalités mais aussi les nombreux viols et les exécutions arbitraires qu’ils ont subi, aux mains de tous les belligérants y compris de l’armée du pays qu’ils avaient fui, l’Érythrée.
Le professeur Awet Weldemichael, enseignant à l’Université Queen’s de l’Ontario au Canada, est l’un de ses auteurs. Joint par RFI, il énumère les recommandations urgentes à mettre en oeuvre, selon lui, pour les sortir de là.
« La première chose à faire est de les relocaliser en lieu sûr. Cela dépend de ce qui est faisable mais l’idéal serait, bien sûr, qu’ils soient mis en sécurité dans un pays tiers. Si cela n’est pas possible, il faut les extraire de la zone de guerre – même si c’est toujours en Éthiopie – les emmener le plus loin possible de la zone de guerre. Il faut donner accès aux réfugiés aux organisations humanitaires parce qu’ils sont dans un état de dénuement et de nécessité extrêmes. Enfin, il faut que la communauté internationale et surtout le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU enquête pour connaître le sort qui a été réservé aux dizaines de milliers de réfugiés érythréens qui ont tout simplement disparu. Tout laisse penser qu’ils ont été enlevés et ramenés de force en Érythrée. C’est de la responsabilité du HCR de savoir ce qui leur est arrivé. »
Etre un réfugié érythréen en Éthiopie aujourd’hui
Le professeur Awet Weldemichael explique, par ailleurs, à Léonard Vincent, de la rédaction Afrique, ce que c’est qu’être un réfugié érythréen en Éthiopie, aujourd’hui.
« Pour commencer, être un réfugié est une expérience humiliante, déshumanisante que personne n’a choisie. Les gens sont contraints de devenir des réfugiés par les circonstances dans lesquelles ils ont été plongés. La situation des réfugiés érythréens ne fait pas exception. Comme les civils tigréens, ils ont été cernés par la guerre et n’ont pas pu prendre contact avec le monde extérieur. Mais ils ont aussi été ciblés par les belligérants qui avaient, chacun, leurs raisons de s’en prendre à eux. Et même ceux qui étaient parvenus à fuir et à arriver jusqu’à Addis-Abeba, le gouvernement éthiopien les a expulsés et les a ramenés avec mépris dans les mêmes camps qu’ils avaient fui. Le sort qui leur a été réservé est donc traumatisant, brutal, déshumanisant. On pourrait dire en quelque sorte qu’en cherchant à échapper à un incendie, ils ont été rejetés de force dans le feu. » (rfi.fr)