Guerre en UKRAINE. Blocus à Marioupol, Kiev résiste toujours… le point après 10 jours d’offensive russe

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« Prendre contrôle de toute l’Ukraine », coûte que coûte. Voilà « le plan » de Vladimir Poutine. Ce samedi marque le 10e jour de l’envahissement de l’Ukraine par la Russie. 10 jours de combats et de bombardements et « le pire est à venir », selon Emmanuel Macron, convaincu de cela depuis un échange avec l’autocrate russe qui se dit déterminé à poursuivre la guerre. Cessez-le-feu reporté à Marioupol Ce samedi matin, Marioupol respire brièvement, après avoir subi d’importantes attaques du Kremlin. Un cessez-le-feu a été obtenu par les autorités ukrainiennes, pour évacuer les civils. 450 000 personnes vivaient dans la ville, avant la guerre. « L’évacuation de la population civile commencera à 11 heures (10 heures en France) », avait indiqué la mairie, avant devoir renoncer à cette opération de protection de la population. Car selon le maire de la ville, le cessez-le-feu a été rompu par l’armée russe. L’évacuation des civils, qui devait commencer en fin de matinée, « est reportée pour des raisons de sécurité », car les forces russes « continuent de bombarder Marioupol et ses environs », a déclaré la municipalité sur Telegram.

La municipalité a appelé les civils qui s’étaient rassemblés aux points de sortie de la ville de « regagner des abris ». « Des négociations sont en cours avec la Russie pour établir un (cessez-le-feu) et assurer la mise en place d’un couloir humanitaire », a-t-elle ajouté. « Au total, il faudra plusieurs étapes d’évacuation, étalées sur plusieurs jours pour que chaque personne voulant partir puisse le faire », avait anticipé l’élu sur son compte Telegram. Le couloir d’évacuation des civils devait mener à la ville ukrainienne de Zaporojie, 220 km au nord-ouest. Selon la vice-Première ministre ukrainienne Irina Verechtchuk, l’objectif était de mettre à l’abri 200 000 personnes de Marioupol et 15 000 de Volnovakha, localité voisine. Marioupol, ville portuaire stratégique du sud-est du pays, est « sous blocus », selon son maire qui dénonce des agressions « impitoyables » depuis « cinq jours ». Une prise russe serait un tournant : les forces russes de la Crimée et les troupes séparatistes et russes du Donbass pourraient alors s’y rejoindre. Kiev résiste toujours Dans la capitale ukrainienne, où l’armée russe fait face à une tenace résistance, on continue de se préparer au pire, alors que, comme c’est le cas depuis plusieurs, un immense convoi militaire ennemi fait route vers Kiev. Dans un hôpital du nord de la capitale, des soldats ukrainiens blessés ont raconté à l’AFP leur combat inégal sous un déluge de feu russe, tout en promettant qu’ils retourneraient au front dès qu’ils seraient de nouveau aptes au combat.

A 150 km de là, la ville de Tcherniguiv, a été pilonnée ces derniers jours, provoquant la mort de dizaines de civils. Une équipe de l’AFP qui s’est rendue sur place ce samedi a constaté des scènes de dévastation dans des quartiers civils – alors que Moscou dit ne pas les viser – dans cette ville de 300 000 habitants qui se vidait de ses habitants, faisant craindre un destin similaire pour Kiev une fois les batteries de missiles et l’artillerie russes aux portes de la capitale. « Il y avait des corps partout au sol. Ils faisaient la queue pour la pharmacie là ici et ils sont tous morts », témoigne Sergei, un survivant encore complètement désorienté par le hurlement continu des sirènes, avertissement d’une frappe imminente. Le nucléaire au cœur des inquiétudes Depuis l’incendie de Zaporojie, la plus puissante centrale d’Europe, la question de la sécurité nucléaire de l’Ukraine est au cœur des préoccupations. Hier l’Ukraine a accusé la Russie d’avoir tiré sur un bâtiment administratif du site, au risque de générer un accident « pire que Tchernobyl et Fukushima ».

Depuis la Russie réfute et occupe le site. L’Occident condamne ces exactions. Emmanuel Macron se dit « extrêmement préoccupé des risques » sur la sécurité nucléaire « qui résultent de l’invasion russe » et « va proposer dans les prochaines heures (…) des mesures concrètes afin d’assurer » la sécurité des cinq sites nucléaires ukrainiens annonce l’Élysée. Le G7, l’UE et l’Otan ont accusé la Russie de mettre en danger l’Europe tout entière. Une dizaine de localités aux mains des Russes Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov admet ce samedi matin que les Russes ont avancé dans plusieurs directions. Selon lui, Poutine ne contrôle qu’une « petite portion » de territoire, les combattants ukrainiens « les repoussent ».

L’armée russe, qui continue de bombarder intensément les alentours de Kiev au nord-ouest et à l’est notamment, indique de son côté qu’à l’est, les séparatistes prorusses ont pris le contrôle de six localités dans la région de Donetsk. Les forces russes disent aussi avoir progressé dans le sud, prenant dix villages et localités. De plus en plus de civils touchés Les attaques sont de plus en plus violentes et apparemment sans discrimination contre des zones résidentielles. Au nord de Kiev, les combats se poursuivaient à Tcherniguiv, où l’Ukraine a accusé Moscou d’avoir bombardé jeudi une zone résidentielle et des écoles, faisant 47 morts selon un nouveau bilan. À quelque 350 km à l’est de Kiev, la situation est aussi devenue « un enfer » à Okhtyrka, et elle est « critique » à Soumy, selon les autorités. À Kharkiv, les bombardements sont restés intenses. La situation humanitaire à Marioupol est « terrible » après 40 heures de bombardements ininterrompus. L’ambassadeur russe à Genève (Suisse), Guennadi Guatilov, a affirmé qu’il y avait eu « 2 870 victimes côté ukrainien, 498 côté russe », citant des chiffres du ministère russe de la Défense. L’Ukraine et des observateurs occidentaux affirment que le bilan des pertes russes est largement sous-évalué, Kiev évoquant plus de 9 000 soldats russes.

Des crimes de guerre ? L’association Reporters sans frontières (RSF) a annoncé samedi saisir la Cour pénale internationale (CPI) après la frappe mardi d’un missile russe contre la tour de télévision de Kiev, dénonçant « un crime de guerre ». Vendredi, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, une résolution en faveur d’une commission d’enquête internationale sur les violations des droits humains a été votée. L’organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a notamment affirmé qu’à Kharkiv, les forces russes avaient fait usage le 28 février d’armes à sous-munitions, dont l’emploi pourrait constituer un crime de guerre. De nouvelles sanctions, pas de « no-fly zone » Les pays du G7 ont promis vendredi d’imposer « de nouvelles sanctions sévères » à la Russie, et le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s’est engagé à « maintenir la pression » jusqu’à « ce que la guerre soit terminée ». L’union européenne se tient prête, elle aussi. 

Demandée par le président Ukrainien Volodymyr Zelensky, la « no-fly zone » ne viendra pas. L’Otan a refusé cette option, qui consiste à proscrire tout survol du territoire ukrainien et donc à intervenir militairement, ce que l’organisation se refuse, au regard du risque d’escalade nucléaire. Poutine durcit sa politique intérieure Le dirigeant russe a signé hier un texte prévoyant de punir – jusqu’à 15 ans de prison – la propagation d’informations visant à « discréditer » les forces armées. Cela s’applique aux médias comme à toute la population. Dans le même temps, Facebook a été bloqué, Twitter grandement restreint. Pour Anna Colin Lebedev, spécialiste de la crise ukrainienne, la loi sur les « informations mensongères » en Russie rend « impossible l’exercice du métier de journaliste ». « Le partage public de l’information est désormais dangereux », analyse la chercheuse, sur Twitter. Des envoyés spéciaux se retirent, d’autres se censurent sur les réseaux sociaux.

Inquiétudes économiques Face au régime de plus en plus autoritaire et aux exactions de Poutine, des entreprises françaises quittent également la Russie, comme Hermès, ou le groupe LVMH, tandis que d’autres s’y refusent, comme Renault. La Russie est son deuxième marché mondial. Les bourses mondiales décrochent. Les investisseurs sont inquiets de l’intensification des conflits et de l’inflation de certaines matières premières. Paris a chuté de 4,97 % à 6 061,66 points, Francfort de 4,41 % et Milan de 6,24 %, bouclant leur pire séance et leur pire semaine depuis l’annonce du premier confinement en mars 2020. Certains analystes évoquent des risques de récession. (Le Parisien)