La photo a enthousiasmé les réseaux sociaux : l’activiste franco-béninois a été reçu par le président malien de la transition. Shoot de nationalisme internationaliste…
Leurs domaines d’intervention respectifs ne sont pas vraiment les mêmes. Pour l’un, Kemi Seba – de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capochichi –, africaniste militant né à Strasbourg, le message martelé est celui de la nécessaire réforme monétaire des pays francophones d’Afrique, jusqu’au happening de l’autodafé d’un billet de 5 000 F CFA. Pour l’autre, Assimi Goïta, nationaliste malien formé dans le camp du génie militaire de Bamako, le créneau politique est la dénonciation d’« atteintes françaises » à la souveraineté nationale, jusqu’à la rupture subite d’accords de défense avec un pays qui n’a pas encore terminé de sécuriser le repli d’une opération militaire pourtant chapeautée par ladite coopération.
Excitation mutuelle
Les occasions faisant les larrons, et les ennemis d’ennemis étant susceptibles d’être des amis, Kemi Seba et Assimi Goïta se retrouvent sur la solidarité générationnelle – ils ont respectivement 40 ans et 39 ans –, sur la convocation de leaders historiques intransigeants comme Thomas Sankara ou Sekou Touré, sur la dénonciation d’un certain néocolonialisme français et sur le réquisitoire contre des institutions sous-régionales présumées caporalisées. L’Uemoa et la Cemac pour l’un, la Cedeao pour l’autre.
Ils étaient faits pour s’enthousiasmer mutuellement, cliché à l’appui sur des réseaux sociaux forcément électrisés. C’est fait. Ce dimanche 8 mai, le président de l’ONG Urgences panafricaines a été reçu en audience par le président de la transition malienne…
Et Twitter de bruisser de saillies sur la « plus belle et rassurante image depuis le début de l’année », la « nouvelle résistante révolutionnaire » de « vrais patriotes » ou la prochaine « libération totale de l’Afrique sous la tutelle criminelle génocidaire française et ses alliés complices ». Des saillies qui frisent parfois une radicalité à laquelle Seba et Goïta eux-mêmes n’ont pas habitué. Au premier, la twittos Djeneba Konaté demande ainsi s’il est « assez courageux pour renoncer au passeport et nationalité française ». Au second, l’internaute Joseph Maka suggère de « demander à tous les Maliens résidants en France de rentrer au Mali ».
Oxymore ?
Et Vincent Hugeux d’apprécier la clarification qu’offre le cliché de Kemi Seba et Assimi Goïta : « Dis-moi qui tu honores, je te dirai qui tu es. » Champion de la concision qu’impose Twitter, le journaliste français décrit, en un seul post, un pouvoir « putschiste », « illégitime et poutinisé » et un « histrion racialiste, antisémite, kremlinolâtre » et « compagnon de route de la fachosphère ». Pas de quoi déstabiliser les groupies des stars du week-end, la nationalité française de l’homme de presse suffisant certainement à balayer l’idée du tweet, voire à l’utiliser comme une démonstration de la morgue gauloise.
Droit dans ses bottes activistes, Kemi Séba s’invitait dans le bras de fer Mali-Cedeao dès le mois de janvier. Tentant de combiner les termes « nationaliste » et « panafricaniste » à la limite de l’oxymore, il sonnait la mobilisation, en balayant « les histoires de démocratie à l’occidentale »… (Jeune Afrique)