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Journée de l’Union africaine : que reste-t-il du rêve des pères fondateurs ?

Alors que l’UA a fêté, ce 25 mai, son cinquantième anniversaire, l’ambition panafricaniste de Kwame Nkrumah, Sékou Touré et Julius Nyerere ne semble plus portée par les élites, mais par les Africains « d’en bas ».

Il y a six ans, les élites du continent annonçaient, par la voix de l’Union africaine (UA), la création d’un passeport unique destiné à faciliter la libre circulation des Africains sur le continent, en toute sécurité et sans visa. Depuis, rien n’a vraiment évolué et nul ne juge nécessaire, pas plus à l’UA qu’au sein de ses États membres, de rendre compte régulièrement de l’évolution de cet important processus.

Cheikh Anta Diop et Frantz Fanon ignorés

Peu importe que le fameux passeport, qui devait être disponible dans les cinq langues officielles de l’Union et contenir les paroles de l’hymne panafricain – « Unissons-nous tous et célébrons ensemble » –, reste largement méconnu des populations africaines. Au même catalogue des belles intentions – tantôt déconnectées de l’ingénierie sociale africaine et des réelles aspirations des peuples, tantôt peu suivies d’effets –, les mêmes élites ont lancé une initiative de libre-échange continentale africaine qui semble avancer, mais qui est bien éloignée des valeurs africaines séculaires de solidarité.

En cette année où l’on célèbre le cinquantième anniversaire de la disparition de Kwame Nkrumah, l’un des pères fondateurs de l’OUA (future UA) et chantre du panafricanisme, tout se passe comme si les élites africaines ne cherchaient pas dans l’Afrique elle-même les solutions aux maux du continent. L’on cherchera en vain des théories aussi significatives que l’African Personality, l’influence de la pensée d’auteurs tels que Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon et bien d’autres dans les grandes politiques du continent, que ce soit en matière économique, diplomatique ou sécuritaire.

A contrario, nos grands textes foisonnent de références aux politiques libérales des institutions de Bretton Woods et autres recettes eurocentriques, parfois racistes, appliquées depuis plus de cinq siècles en Afrique.

Choix surréaliste

Au quotidien, la jeunesse observe avec désolation les États africains faire le choix surréaliste de déployer d’énormes ressources intellectuelles, humaines, logistiques et financières pour empêcher ou retarder la libre circulation des Africains sur leur propre continent.

Ces États éduquent et forment des dizaines de milliers de leurs fils et filles, pendant quinze à vingt ans, pour finalement leur donner l’étonnante responsabilité de concevoir et d’appliquer des politiques permettant de restreindre la circulation des Africains dans leurs pays. Un immense gâchis !

Pendant ce temps, d’autres initiatives se déploient, sans revendications idéologiques particulières et sans tambour ni trompette, pour réaffirmer coûte que coûte le droit inaliénable des peuples africains à se rencontrer et à commercer, indépendamment des frontières coloniales, linguistiques, religieuses et culturelles.

« Tracking » des individus

Qui, en Afrique centrale ou en Afrique de l’Ouest, ne connait un Malien ou un Sénégalais tenancier d’une échoppe dans son quartier ? Paradoxalement, ce sont ces braves Africains qui font vivre le rêve des Nkrumah, des Sékou Touré et des Nyerere sans avoir besoin d’organiser de grandes conférences ni de faire de pompeuses déclarations. Ils circulent par la route, sans passeport ni visa, s’installent, créent des activités économiques, apprennent les langues locales, font des enfants, nouent des amitiés durables. Le tout, souvent sans papiers !

Une authentique résistance populaire s’oppose aux logiques eurocentriques, inutilement bureaucratiques et absurdes de la circulation des personnes, qui, elles, s’apparentent à un « tracking » des individus et à une assignation à la sédentarisation permanente. Par ces gestes, les peuples africains rappellent une vérité fondamentale : ils ne céderont jamais leur droit vital à se déplacer librement, à faire des rencontres, à mieux découvrir l’Afrique en dépit des atermoiements de leurs élites déconnectées des réalités du terrain.

Bravo, chers Maliens ou Sénégalais « d’en bas », et bravo à tous ceux qui font comme vous. Vous êtes les mascottes du panafricanisme et les ambassadeurs de la Journée de libération de l’Afrique ! Vivement que les plus jeunes prennent le relais, qu’ils se saisissent de ce rêve de fraternité et d’unification du continent. (Jeune Afrique)

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